Les Cahiers des Dix vol 13

Roy, Pierre-Georges

 



 

LA FAMILLE CARRIER

 

           Une revue scientifique, je crois me rappeler que c’était le Scientific American, donnait, il y a une vingtaine d’années, la traduction d’une étude d’un savant allemand qui établissait une comparaison entre la valeur économique d’un multimillionnaire sans enfant et un simple ouvrier fondateur d’une famille. Le savant à lunettes soutenait une thèse assez curieuse mais tout de même passablement convaincante. A la mort du millionnaire sans enfant, disait-il, son utilité pour l’État disparait ou à peu près. Le gouvernement prend une bonne partie de sa fortune et le reste s’en va un peu partout, à des parents et à des amis. Son rôle est donc fini et son utilité disparait avec lui. En est-il de même à la mort de l’ouvrier sans le sou mais père de famille? Et ici la thèse de l’Allemand était bien consolante pour ceux qui n’ont pas de millions mais peinent toute leur vie pour élever leurs enfants. L’ouvrier, disait-il, père de six ou sept enfants devient en moins d’un siècle le fondateur d’une lignée de cinq ou six générations. Le travail de sa vie se poursuit donc en faveur de l’État à mesure que les années se succèdent puisqu’il lui donne des centaines de citoyens. Ce qui fait la valeur d’un pays, en effet, ce n’est pas la richesse des individus mais l’augmentation de sa population. Cette comparaison originale du savant allemand m’est revenue à la mémoire quand j’ai voulu étaler d’une façon approximative le nombre des descendants de Jean Carrier, qui vint s’établir dans la Nouvelle-France un peu avant 1670. On en compte sûrement plusieurs milliers.

 

Jean Carrier, originaire de Saint-Georges, évêché de Xaintes, épousa à Québec, le 14 novembre 1670, Barbe Hallé (1) et en eut plusieurs enfants. Il fut un des premiers colons de la seigneurie de Lauzon. Ses descendants sont dispersés un peu partout dans la province de Québec, mais le foyer des Carrier a toujours été dans le comté de Lévis. La seule cité de Lévis compte actuellement près de cent familles Carrier. La ville de Lauzon en a un peu moins et chacune des autres paroisses du comté de Lévis peut se flatter de posséder plusieurs familles du même nom.

 

 

Les Carrier, depuis près de trois siècles, se sont distingués dans tous les genres d’occupations. Ils ont fourni à notre clergé plusieurs prêtres distingués. Les professions libérales, le commerce et l’industrie, ont également compté bon nombre de Carrier. Mais je crois que la majorité des descendants de Jean Carrier se livrent à la plus noble et à la plus utile profession, celle de l’agriculture.

 

Qu’il me soit permis de mentionner ici Jean-Baptiste Carrier, de St-Henri de Lévis, un ardent patriote qui, en 1838, au péril de la perte de ses biens et même de sa vie, conduisit à la frontière américaine les patriotes Dodge et Theller, échappés de la citadelle de Québec où on les détenait pour crime de haute trahison. L’exploit de Carrier fit sensation dans le temps et on en parle encore quand il s’agit de faire connaître aux jeunes ces événements de 1837-1838 qui prouvèrent à l’oligarchie anglaise que les Canadiens Français voulaient bien demeurer sujets de la reine Victoria, mais à la condition d’être traités comme tous ses autres sujets, c’est-à-dire en homme libres et non comme des esclaves.

 

Charles-William Carrier était donc de bonne souche. Sa généalogie s’établit comme suit :

 

Première génération : Jean Carrier, marié à Barbe Hallé (14 novembre 1670).

 

Deuxième génération : Jean Carrier, marié à Jeanne Samson (15 avril 1705, date du contrat de mariage). (2)

 

Troisième génération : Jaques Charles Carrier, marié à Catherine Huard (10 Avril 1736).

 

Quatrième génération : Charles Carrier, Marié à Marguerite Maranda (17 avril 1769)

 

Cinquième génération : Charles Carrier, (3) marié à Thérèse Couture (2 Février 1796).

 

Sixième génération : Ignace, marié à Marie-Louise Dallaire (26 octobre 1824).

 

Septième génération : Charles-Guillaume Carrier (William Carrier), marié à Henriette-Camille Carrier (1 juin 1864).

 

Ignace Carrier, père de Charles-William Carrier, originaire de la vieille paroisse de Saint-Joseph de Lévis, ne s’établit à St-Henri de Lévis qu’à l’été de 1826.

 

Igance Carrier avait épousé à St-Joseph de Lévis, le 26 octobre 1824, Marie-Louise Dallaire, fille de feu François Dallaire et de défunte Catherine Levasseur. (4) De ce mariage naquit plusieurs enfants :

 

1.           Ignace Carrier, né à St-Joseph de Lévis, le 14 juillet 1825, et décédé au même endroit le 25 juillet 1826.

 

2.           Augustin-Honoré Carrier, né à St-Henri de Lévis, le 24 août 1826. Vivait encore en 1895.

 

3.           Eucher-Édouard Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 6 février 1828, et décédé au même endroit le 17 août 1828.

 

4.           Eusèbe Carrier, né à St-Henri de Lévis, le 12 mars 1829, et décédé au même endroit le 22 juillet 1829.

 

5.           Georges-Ferdinand Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 15 mars 1830. Mort célibataire à St-Henri le 10 décembre 1916.

 

6.           Rigobert Carrier. Marié à Saint-Henri de Lévis, le 25 janvier 1870, à Adèle Talbot, veuve de Georges Beaudouin. Décédé à St-Henri le 7 octobre 1895. D’après son acte d’inhumation il serait né au printemps de 1831.

 

7.           Joseph-Octave Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 27 septembre 1832, Vivait encore en 1887.

 

8.           Marie-Esther Carrier, née à St-Henri de Lévis, le 27 novembre 1867, à Théophile Bilodeau.

 

9.           François-Xavier Carrier, jumeau né à Saint-Henri de Lévis, le 1er mars 1836. Décédé au même endroit le 29 mars 1836.

 

10.       Jean-Édouard Carrier, jumeau né à Saint-Henri de Lévis, le 1er mars 1836.

 

11.       Marie-Philomène Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 25 septembre 1837. Vivait encore en 1870.

 

12.       Charles-Guillaume (William) Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 20 janvier 1839. L’industriel dont il est question ici.

 

13.       Marie-Louise Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 6 avril 1842. Mlle Marie Carrier décéda à Lévis, chez sa nièce, Mme Philippe Dorval, le 29 octobre 1923, à l’âge de 81 ans.

 

14.       Marie-Henriette Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 28 juin 1845, et décédée au même endroit le 20 octobre 1847.

 

 

(1)         Les Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec. Les relations des Jésuites. Le journal des Jésuites et La Vie de la Mère Catherine de Saint Augustin, par le Père Paul Ragueneau, la mentionnent plusieurs fois.

 

(2)         Ce Jean Carrier était navigateur. C’est à lui que l’intendant Hocquart accordait, le 22 avril 1733, une commission de « messager par eau, pour servir de patron de chaloupe, lorsque le gouverneur ou l’intendant auront à monter à Montréal ou qu’ils descendront à Québec comme aussi pour servir en qualité de messager du roi par eau pour porter les dépêches des dits gouverneur et intendant dans les différents lieux de l’étendue de cette rivière ». Dans les notes de voyage de Louis Franquet, ingénieur du roi en mission au Canada en 1750, on trouve une description du vaisseau de Jean Carrier « Embarqués à Québec sur  le fleuve Saint-Laurent… dans le bâteau affecté au tournées de M. l’intendant. Ce bateau est plat, peut porter environ

 

(3)         Né le 25 décembre 1775, il fut baptisé Noël, mais porta le nom de Charles toute sa vie. Son fils Ignace est né le jour de l’an 1799.

 

(4)         Ignace Carrier décéda à Saint-Henri de Lauzon le 14 novembre 1856. Son épouse décéda à Lévis le 30 juillet et fut inhumée dans l’église de Saint-Henri le 2 août 1881.

 

(Voir page 190 à 194)