Profils lévisiens. Deuxième série

Roy, Pierre-Georges

 



 

 

Pierre-Sévère Riverin

 

        Ceci remonte à plus de soixante ans. Je vois encore M. Pierre-Sévère Riverin descendant la Côte du Passage pour se rendre à Québec, une serviette sous le bras. Il ne portait pas le prénom de Sévère pour rien. Il avait toujours l’air préoccupé, sévère même et, chaque fois que je le voyais, je me demandais si cet homme souriait parfois. Je ne lui ai jamais parlé mais ceux qui l’ont connu m’affirment qu’il était très droit en affaires, d’une honnêteté scrupuleuse, et excellent père de famille. Sa rigidité n’était qu’apparente.

 

        Ferblanquier de son état, M. Riverin avait son établissement dans la Côte du Passage, près de son interception avec la rue Saint-Louis.

 

        M. Riverin était à l’origine un des propriétaires de la Fonderie Canadienne de Lévis qui fut, on le sait, le commencement des usines Carrier, Laîné et Cie. En effet, le 16 avril 1869, MM. Charles-William Carrier, Pierre-Sévère Riverin et Damase Laîné, informaient le public qu’ils avaient transporté leur fonderie sur le quai MacKenzie. Un an plus tard, en octobre 1870, cette société était dissoute et une nouvelle était formée sous le nom de Carrier, Laîné et Cie avec comme associés MM. Charles-William Carrier, Pierre-Sévère Riverin, Damase Laîné et Louis Carrier.

 

        Un peu plus tard, M. Riverin vendit ses intérêts dans la société Carrier, Laîné et Cie et établit une fonderie à Québec, en société avec M. Plante.

 

        M. Riverin décéda à Saint-Ambroise de la Jeune-Lorette le 19 mai 1891, à l’âge de 67 ans.

 

        M. Riverin eut plusieurs enfants de ses deux mariages. Un de ses fils fait commerce à Québec sous le nom de S.-O. Riverin et Cie, et une de ses filles est religieuse au monastère des Ursulines de Québec sous le nom de Mère Saint-François de Borgia.

 

(Voir pages 33 et 34)

 

 

Georges-Taylor Davie

 

        Allison Davie, capitaine de navire, né en Écosse, était venu plusieurs fois à Québec au cours de ses navigations. Expert dans la construction et la réparation des navires, il décida, en 1829, d’établir à Lévis un chantier pour la réparation des navires à voiles. Ce genre d’établissement manquait encore dans le port de Québec.

 

        M. Davie acheta de Joseph Carrier un vaste terrain sur le bord du Saint-Laurent et y bâtit un quai puis une cale-sèche flottante. Le port de Québec recevait alors, chaque année, des centaines de navires de toutes sortes. Le chantier de M. Davie prit vite de l’importance. Sa cale-sèche ne suffisait pas aux besoins de son industrie, M. Davie inventa un système ingénieux pour réparer les navires sans les mettre en cale. Il installa dans son chantier des rails de bois et à l’aide de puissantes chaînes, il tirait les bâtiments à terre. De cette façon plusieurs navires pouvaient être réparés en même temps. Une fois le travail terminé, le navire s’en retournait dans le fleuve par le même procédé. Allison Davie se noya accidentellement dans le port de Québec en juin 1836.

 

(Voir pages 74 et 75)

 

 

Thomas-Downs Shipman  

 

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Chaque hiver, les demoiselles Shipman organisaient trois ou quatre séances dramatiques ou concerts pour le bénéfice des pauvres ou des orphelins de l’Hospice Saint-Joseph de la Délivrance. Ces séances ou concerts étaient toujours mixtes en ce sens qu’on y entendait des amateurs des deux langues. Les demoiselles Shipman poussaient la délicatesse jusqu’à chanter en français, malgré leur prononciation fautive de cette langue. M. Shipman, il va sans dire, faisait sa large part dans les dépenses d’organisation de ces séances. De tous ceux qui prient part aux séances organisées par les demoiselles Shipman, deux seulement survivent, je crois, le Révérend Père Arthur Chabot, de la Trappe d’Oka, et M. Robert Carrier, ancien directeur de la poste à Lévis. Si ces lignes tombent sous leurs yeux, ils se rappelleront avec quelle cordialité et avec quelle délicatesse ils étaient reçus par les membres de la famille Shipman lorsqu’ils allaient s’exercer pour les différents programmes.

 

(Voir page 99)

 

 

Les sept frères Desjardins

 

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        M. Joseph Desjardins avait publié en 1902 un Guide parlementaire historique de la province de Québec. Cet ouvrage de près de 400 pages est un précieux guide pour tous ceux qui s’occupent quelque peu de politique. Il donne la liste de ceux qui à titre de députés, de conseillers législatifs ou ministres se sont occupés de la chose publique de 1791 à 1902. M. Desjardins avait épousé, à Lévis, le 30 mai 1887, Marie-Louise-Georgiana Carrier, fille de Joseph Carrier et de Célina Gingras, Père de Louis-Philippe Desjardins, assistant-greffier de la cité de Québec, et de Valère Desjardins, archiviste de la cité de Québec.

 

(Voir page 152)

 

 

Les frères Laîné dit Lebon

 

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        On a souvent parlé des curieuses transformations que les noms de famille subissent dans la province de Québec. Les surnoms sont dans la plupart des cas la cause ou l’origine de ces changements. Quand les familles du même nom sont nombreuses dans une paroisse, pour les distinguer, les gens donnent des surnoms à un certain nombre et parfois le surnom, avec le temps supplante le nom original. Pour ne citer que des cas lévisiens, mentionnons les Roy dit Desjardins, les Alain dit Bolduc, les Lecours dit Barras, les Flamand dit Ladrière, etc., etc. On pourrait en retracer peut-être des douzaines d’autres. Mais un cas typique entre tous est celui des frères Laîné dit Lebon. L’un était un important marchand de la rue Saint-Georges connu uniquement sous le nom de Lebon et l’autre le nom moins important associé de la maison Carrier, Laîné et Cie connu sous le seul nom de Laîné.

 

        Cinq frères Laîné dit Lebon ont vécu à Lévis, Maxime, Anselme Israël, Damase et Samuel. Ils étaient originaires de Saint-Gervais de Bellechasse et je crois que leur grand’père était parti de Beaumont pour ouvrir une terre dans Saint-Gervais.

 

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        Damase manifesta dès son enfance une prédilection marquée pour la mécanique. C’est probablement ce qui l’engagea à suivre ses frères à Lévis. Il fit son apprentissage de mécanicien à l’établissement de Benjamin Huot dit Saint-Laurent où ses talents naturels et son application lui permirent de recevoir une excellente formation. Il ouvrit ensuite une petite boutique à son propre compte. Afin de développer son industrie, M. Laîné forma une société avec MM. Charles-William Carrier, et Pierre-Sévère Riverin. Leur industrie prit dès lors le nom de « Fonderie canadienne de Lévis ». Au printemps de 1869, cette fonderie se transportait sur le quai MacKenzie, près de l’avenue Laurier. D’année en année, la Fonderie Canadienne devenue l’usine Carrier, Laîné et Cie prit de l’ampleur pour devenir une des plus importantes entreprises du genre dans toute notre province. M. Charles-William Carrier s’occupait de la conduite générale de l’usine pendant que M. Laîné avait la charge de conduire les centaines d’ouvriers employés dans cette vaste entreprise. M. Damase Laîné fut, de 1880 à 1901, conseiller ou échevin du quartier Lauzon. Au Conseil de ville, M. Laîné prenait souvent la parole. Ses discours étaient toujours soigneusement préparés. Il les apprenait par cœur et ne les débitait pas trop mal. A cette époque, mes relations avec MM. Charles-Henri Carrier et Omer-H. Carrier m’appelaient souvent à l’usine. Quand les frères Carrier voyaient passer M. Laîné dans les grandes salles, un manuscrit à la main et l’air préoccupé, ils ne manquaient pas de me dire : - Tiens, il y a séances du Conseil de la ville ce soir et M. Laîné y prendra parole. Je me hâte d’ajouter que M. Laîné ne parlait jamais pour rien dire. Ses Discours n’étaient pas longs ni accompagnée de fleurs de rhétorique, mais, homme pratique avant tout, il allait tout de suite au nœud de la question et ses collègues l’écoutaient religieusement.

 

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        Israël Laîné dit Lebon fut marchand rue Saint-Georges pendant plusieurs années. En 1880, il allait s’établir à Sainte-Marie de la Beauce où il devint un des plus importants marchands de toute la région de la Beauce. Il laissa son poste de commerce de Lévis à son commis M. Alfred Blouin. C’est le poste de commerce actuel de M. Edgar Carrier rue Saint-Georges. M. Laîné dit Lebon décéda à Sainte-Marie de Beauce le 10 septembre 1903, à 63 ans. Il avait épousé, à Saint-Gervais, le 5 avril 1869, Marie-Lavina Fortier, fille du capitaine Pierre Fortier. Père de Mgr Wilfrid Lebon, du collège Sainte-Anne de la Pocatière.

 

        Samuel Laîné dit Lebon fut toute sa vie un des principaux contremaîtres des usines Carrier, Laîné et Cie. Il décéda à Lévis le 13 octobre 1926 à l’âge de 83 ans.

 

(Voir page 162)

 

 

Calixte Dagneau

 

        Né à Saint-Gervais de Bellechasse le 8 janvier 1838, du mariage de Calixte Dagneau, forgeron, et de Marie-Geneviève Nolin, David-Calixte Dagneau entra à l’emploi de M. Louis Carrier marchand, dès avant 1860. Lorsque M. Louis Carrier abandonna le commerce en 1869, une société fut formée pour continuer son magasin. Elle était composée de MM. Charles-William Carrier, Calixte Dagneau et Théophile Lamontagne et prit le nom de Carrier, Dagneau et Cie. Cette société fut dissoute en novembre 1873 et remplacée par une autre société composée de MM. Calixte Dagneau et Martial Vallée.

 

(Voir page 163)

 

 

Charles-William Carrier

 

        Il n’y a pas encore un an, un important industriel de Lévis en vayage d’affaires dans la province d’Ontario, avait l’occasion de visiter un grand établissement industriel qui emploie quelques centaines d’ouvriers. Le patron, apprenant que son visiteur était de Lévis, s’empressa de le conduire dans le bâtiment de l’usine où se trouvaient la plupart des machines qui faisaient fonctionner tous les ressorts de l’établissement. Quelle ne fut pas la surprise de l’industriel lévisien en constatant que ces machines avaient été fabriquées par l’usine Carrier, Laîné et Cie, de Lévis.

 

 

        Le patron ontarien fut fier de déclarer à son ami que ces machines fonctionnaient admirablement et lui avaient demandé très peu de réparations depuis leur installation. Et, pourtant, ces machines avaient plus d’un demi-siècle d’existance.

 

        Il faut parfois aller assez loin pour apprendre qu’on peut trouver chez-soi ce qu’on va chercher à l’étranger avec beaucoup de fatigue et des dépenses assez élevées. En effet, au temps où l’usine Carrier, Laîné et Cie fonctionnait que d’industriels québécois faisaient venir de Montréal et d’ailleurs, les machines qu’ils auraient eu meilleur compte simplement en se rendant à Lévis.

 

        J’ai assisté, le 14 août 1908, à la porte de l’église paroissiale de Notre-Dame de Lévis, à la vente par autorité de justice de l’usine Carrier, Laîné et Cie qui, depuis plus de trente ans, était la plus importante et la plus connue de toute la région de Québec. Cruelle ironie du hasard, au moment précis où l’huissier priseur adjugeait l’établissement complet à la Banque de Montréal pour la somme réellement ridicule de $380,000, la sirène d’un streamer qui entrait dans le port de Québec fit entendre un son qui ressemblait étonnamment au criard si connu qui le matin et l’après-midi appelait à l’ouvrage les nombreux ouvriers de l’usine.

 

        Pour les trois quarts de ceux qui étaient là, surtout pour les ouvriers de l’usine qui changeait de propriétaire, ce cri de sirène était un glas, le dernier de la boutique où ils gagnaient leur vie. Je me trouvais à côté de Thom Lemelin, un des principaux contremaîtres de Carrier, Laîné et Cie, et le brave homme qui n’avait peut-être jamais pleuré de sa vie, se porta vivement la main à la figure comme s’il avait voulu retenir une larme qui tentait de couler sur sa joue énergique. C’est que Lemelin était entré à l’usine tout jeune garçon, qu’il y avait fait son apprentissage et qu’elle était devenue pour lui presque la maison paternelle. Il se rendait bien compte que la boutique, comme il l’appelait, fermait ses portes à jamais et que la grande famille formée par Charles-William serait forcée de se disperser. Les ouvriers de Carrier, Laîné et Cie avaient été formés de telle façon par leur patron qu’ils étaient unis comme des frères. On peut presque dire qu’ils formaient une caste à part dans la ville. Leur travail les réunissait à l’usine toute la journée, mais le soir et le dimanche ils se rencontraient de nouveau cette fois avec les membres de leurs familles, pour se reposer, causer des choses de leur métier et des intérêts de la boutique.

 

        J’ai lu autrefois l’histoire de l’industrie fondée par M. Harmel, en France, sur le plan chrétien et telle que le veulent les directives des Souverains Ponctifes. J’ignore si Charles-William Carrier, le fondateur de l’usine Carrier, Laîné et Cie, connaissait la fondation de M. Harmel, mais, sûrement, il s’était inspiré des mêmes principes et des mêmes moyens que ce grand chrétien pour jeter les bases de l’établissement qu’il dirigea jusqu’à sa mort. M. Carrier n’avait peut-être pas lu la vie de M. Harmel, mais il avait appris le Petit Catéchisme de Québec et ce petit livre lui avait appris à traiter ses ouvriers non en mercenaires mais comme des collaborateurs, presque des associés.

 

        Charles William Carrier est décédé depuis plus de soixante ans. L’usine que son génie avait édifiée est également disparue. Des grands bâtiments qui bordaient la principale rue commerciale de Lévis sur une distance de plusieurs centaines de pieds, il ne reste pas une pierre, pas même une trace. On dirait que le sort s’est acharné à faire disparaître tout vestige de l’unique entreprise tentée au Canada pendant le siècle dernier sur une base coopérative ou, tout au moins, sur un plan où les ouvriers étaient aussi intéressés que le patron au succès et à la continuité d’une usine qui faisait l’honneur et le profit du maître et de ses employés.

 

        Il me semble toutefois que la vie de l’industriel canadien-français qui créa l’usine Carrier, Laîné et Cie, mérite d’être rappelée aux jeunes générations. Les méthodes industrielles et commerciales changent avec les années. Les manufacturiers d’aujourd’hui sont peut-être supérieurs à Charles-William Carrier dans leurs moyens d’arriver au succès, à la fortune. On ne doit pas oublier que depuis trois quarts de siècle dans l’industrie comme dans le commerce, des découvertes importantes ont été faites, ce qui donne un avantage marqué à ceux d’aujourd’hui sur ceux d’hier. Il y a tout de même quelques leçons à tirer de la vie de M. Carrier. Bien téméraire serait l’industriel qui prétendrait qu’il n’a rien à apprendre de son devancier.

 

        La radio et les journaux nous parlent à la journée des grèves qui se déclenchent un peu partout dans notre pays comme aux États-Unis et sur le continent européen. Notons qu’il n’y eut jamais de grève à l’usine Carrier, Laîné et Cie. Pourquoi? C’est que le patron connaissait ses devoirs envers ses employés et que ceux-ci de leur côté, ne permettaient pas aux fauteurs de désordres, aux exploiteurs du peuple, de pénétrer dans leurs rangs. N’y aurait-il que cette leçon à apprendre de la vie de M. Carrier que les Jeunes retireraient bon profit de leur excursion à travers l’existence d’un patron et d’une usine du siècle dernier.

 

        On me pardonnera de parler un peu longuement de M. Carrier et de sa création. Lévis est une ville à trois étages ou plutôt à trois plateaux. L’usine Carrier, Laîné et Cie était située sur le premier plateau, celui qui longe le fleuve. Je suis né et j’ai été élevé sur le deuxième plateau, presque en face de l’ancienne usine. De ce plateau assez élevé on a une vue sur toute la Basse-Ville. L’usine Carrier, Laîné et Cie était, on peut le croire, le site le plus intéressant à contempler. Enfant, je ne pouvais me lasser du spectacle qu’offrait cette longue suite d’ateliers divers aux jours de travail. Le va et vient des ouvriers, la sortie des charrettes chargées de lourdes pièces, de toutes sortes, la fumée épaisse qui s’échappait des hautes cheminées, les bruits divers qui semblaient sortir de chaque bâtisse, étaient bien de nature à attirer l’attention des enfants. Je n’éatis pas le seul aux jours de mon enfance à passer des heures à surveiller, du haut de la falaise, les merveilles qui s’opéraient dans l’usine Carrier, Laîné et Cie, tout au bord du fleuve. Le spectacle était intéressant et gratuit et la curiosité n’est pas l’apanage exclusif de  la jeunesse. Que d’adultes, de rentiers, de gens sans travail ou en repos passaient leurs journées à surveiller ce qui se faisait presque à leurs pieds.

 

        Après soixante et quelques années, ces heures de jouissance me reviennent devant les yeux et à la mémoire avec tous leurs détails typiques et je voudrais être capable de tenir un pinceau pour les fixer sur la toile afin qu’on les contemple comme je les voyais alors. Mais je n’ai qu’une plume impuissante pour retracer toutes ces scènes. Mes humbles souvenirs donneront tout de même une idée des beaux jours de l’usine Carrier, Laîné et Cie alors qu’elle était encore sous la direction de son fondateur.

 

           Une revue scientifique, je crois me rappeler que c’était le Scientific American, donnait, il y a une vingtaine d’années, la traduction d’une étude d’un savant allemand qui établissait une comparaison entre la valeur économique d’un multimillionnaire sans enfant et un simple ouvrier fondateur d’une famille. Le savant à lunettes soutenait une thèse assez curieuse mais tout de même passablement convaincante. A la mort du millionnaire sans enfant, disait-il, son utilité pour l’État disparait ou à peu près. Le gouvernement prend une bonne partie de sa fortune et le reste s’en va un peu partout, à des parents et à des amis. Son rôle est donc fini et son utilité disparait avec lui. En est-il de même à la mort de l’ouvrier sans le sou mais père de famille? Et ici la thèse de l’Allemand était bien consolante pour ceux qui n’ont pas de millions mais peinent toute leur vie pour élever leurs enfants. L’ouvrier, disait-il, père de six ou sept enfants devient en moins d’un siècle le fondateur d’une lignée de cinq ou six générations. Le travail de sa vie se poursuit donc en faveur de l’État à mesure que les années se succèdent puisqu’il lui donne des centaines de citoyens. Ce qui fait la valeur d’un pays, en effet, ce n’est pas la richesse des individus mais l’augmentation de sa population. Cette comparaison originale du savant allemand m’est revenue à la mémoire quand j’ai voulu étaler d’une façon approximative le nombre des descendants de Jean Carrier, qui vint s’établir dans la Nouvelle-France un peu avant 1670. On en compte sûrement plusieurs milliers.

 

Jean Carrier, originaire de Saint-Georges, évêché de Xaintes, épousa à Québec, le 14 novembre 1670, Barbe Hallé (1) et en eut plusieurs enfants. Il fut un des premiers colons de la seigneurie de Lauzon. Ses descendants sont dispersés un peu partout dans la province de Québec, mais le foyer des Carrier a toujours été dans le comté de Lévis. La seule cité de Lévis compte actuellement près de cent familles Carrier. La ville de Lauzon en a un peu moins et chacune des autres paroisses du comté de Lévis peut se flatter de posséder plusieurs familles du même nom.

 

Les Carrier, depuis près de trois siècles, se sont distingués dans tous les genres d’occupations. Ils ont fourni à notre clergé plusieurs prêtres distingués. Les professions libérales, le commerce et l’industrie, ont également compté bon nombre de Carrier. Mais je crois que la majorité des descendants de Jean Carrier se livrent à la plus noble et à la plus utile profession, celle de l’agriculture.

 

Qu’il me soit permis de mentionner ici Jean-Baptiste Carrier, de St-Henri de Lévis, un ardent patriote qui, en 1838, au péril de la perte de ses biens et même de sa vie, conduisit à la frontière américaine les patriotes Dodge et Theller, échappés de la citadelle de Québec où on les détenait pour crime de haute trahison. L’exploit de Carrier fit sensation dans le temps et on en parle encore quand il s’agit de faire connaître aux jeunes ces événements de 1837-1838 qui prouvèrent à l’oligarchie anglaise que les Canadiens Français voulaient bien demeurer sujets de la reine Victoria, mais à la condition d’être traités comme tous ses autres sujets, c’est-à-dire en homme libres et non comme des esclaves.

 

Charles-William Carrier était donc de bonne souche. Sa généalogie s’établit comme suit :

 

Première génération : Jean Carrier, marié à Barbe Hallé (14 novembre 1670).

 

Deuxième génération : Jean Carrier, marié à Jeanne Samson (15 avril 1705, date du contrat de mariage).

 

Troisième génération : Jacques-Charles Carrier, marié à Catherine Huard (10 Avril 1736).

 

Quatrième génération : Charles Carrier, marié à Marguerite Maranda (17 avril 1769)

 

Cinquième génération : Charles Carrier, marié à Thérèse Couture (2 Février 1796).

 

Sixième génération : Ignace Carrier, marié à Marie-Louise Dallaire (26 octobre 1824).

 

Septième génération : Charles-Guillaume Carrier (William Carrier), marié à Henriette Carrier (1 juin 1864).

 

Ignace Carrier, père de Charles-William Carrier, originaire de la vieille paroisse de Saint-Joseph de Lévis, ne s’établit à St-Henri de Lévis qu’à l’été de 1826.

 

Ignace Carrier avait épousé à St-Joseph de Lévis, le 26 octobre 1824, Marie-Louise Dallaire, fille de feu François Dallaire et de défunte Catherine Levasseur. De ce mariage naquit plusieurs enfants :

 

1-                Ignace Carrier, né à St-Joseph de Lévis, le 14 juillet 1825, et décédé au même endroit le 26 juillet 1826.

 

2-                Augustin Carrier, né à St-Henri de Lévis, le 25 août 1826.

 

3-                Eusèbe-Édouard Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 7 février 1828, et décédé au même endroit le 18 août 1828.

 

4-                Eusèbe Carrier, né à St-Henri de Lévis, le 13 mars 1829, et décédé au même endroit le 23 juillet 1829.

 

5-                Georges-Ferdinand Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 16 mars 1830. Mort célibataire à St-Henri le 10 décembre 1916.

 

6-                Joseph-Octave Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 28 septembre 1832.

 

7-                Marie-Esther Carrier, née à St-Henri de Lévis, le 26 mai 1834.

 

8-                François-Xavier Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 1er mars 1836. Décédé au même endroit le 31 mars 1836.

 

9-                Philomène Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 26 septembre 1837.

 

10-            Charles-Guillaume (William) Carrier, né à Saint-Henri de Lévis, le 21 février 1839. L’industriel dont il est question ici.

 

11-            Marie-Louise Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 6 avril 1832.

 

12-            Marie-Henriette Carrier, née à Saint-Henri de Lévis, le 30 juin 1845, et décédée au même endroit le 22 octobre 1847.

 

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        Je viens de parler des obstacles qui se dressaient devant les habitants des campagnes pour faire instruire leurs fils. Ces obstacles le père de Charles-William Carrier les rencontra. A la tête d’une famille assez nombreuse, pas riche, il fit cependant les sacrifices nécessaires pour donner l’instruction voulue au dernier de ses fils. Son intelligence et son esprit d’observation lui disaient que le jeune homme avait de réelles dispositions pour le commerce. C’est pourquoi il résolut de le confier au Frères des Écoles Chrétiennes que le curé Déziel, de Notre-Dame de Lévis, venait de charger de la direction du collège de Lévis fondé en 1853.

 

        Il le mit en pension chez un parent établi à Lévis et le jeune homme suivit les cours des Frères des Écoles Chrétiennes en qualité d’externe. Un professeur laïc de langue anglaise était attaché au collège. C’est là que le jeune Carrier apprit les éléments de la langue anglaise. Plus tard il compléta son instruction en suivant des cours privés, et il parvint si bien à maîtrisés les difficultés de cette langue qu’il la parlait pour ainsi dire aussi bien que s’il était né sur les bords de la Tamise.

 

        Charles-William Carrier n’oublia jamais que les Frères des Écoles Chrétiennes lui avaient donné une solide formation et, en 1886, le Frère Herménégilde, de passage à Lévis, après une absence de près de 30 années, voulut revoir ses anciens élèves. Un bon nombre de ceux-ci le rencontrèrent au collège de Lévis, devenu collège classique en 1875, Charles-William Carrier fut un des premiers à se rendre au rendez-vous. Il ne manqua pas de remercier le vieux Frère pour tout ce qu’il avait fait pour lui. Jeune écolier, j’ai vécu cette journée du 7 février 1886 et j’en ai gardé un souvenir émouvant. C’est alors que j’ai appris que si le métier d’instruire la jeunesse est parfois bien ingrat il a tout de même ses heures de consolation. Le vieux Frère Herménégilde pleurait presque de joie en recevant les remerciements de ces hommes parvenus au succès grâce aux leçons qu’il leur avait données dans leur enfance. La récolte est la récompense du semeur. L’instituteur reçoit la sienne dans le succès de ceux qu’il a formés. Avec raison, il peut s’orgueillir de son travail.

 

        A sa sortie du collège, Charles-William Carrier entra comme commis au magasin de M. Louis Carrier, le principal négociant de Lévis à l’époque. Ce magasin était situé côte du Passage, près de la route Dallaire par laquelle les habitants des comtés de Beauce, de Dorchester, de Bellechasse, etc., pénétraient dans la ville.

 

        Lévis n’était alors traversé par aucun chemin de fer et les habitants de tous les comtés environnants venaient vendre leurs produits à Lévis et, au retour, rapportaient chez eux les marchandises dont leurs familles avaient besoin. C’est dire qu’au magasin de M. Carrier les commis ne chômaient pas. De plus, à quelques pas du magasin de M. Carrier, deux concurrents. MM. Étienne Dallaire et Georges Couture, plus tard conseiller législatif, avaient établi des postes de commerce. Les employés de ces trois importantes maisons de commerce luttaient pour amener à leurs magasins respectifs les clients de la campagne qui, presque tous descendants de Normands, usaient de bien des tours pour obtenir les meilleurs conditions possibles des vendeurs. Les commis, souvent, devaient discuter des heures avec les acheteurs pour une vente de quelques dollars.

 

        M. Louis Carrier, patron du jeune Charles-William Carrier, était un des citoyens les plus en vue de Lévis. Sa fortune, ses relations d’affaires avec toutes les classes de la population, ses qualités personnelles lui avaient acquis une réputation enviable. Aussi, lors de l’incorporation de la ville en 1861, ses concitoyens furent unanimes à le choisir comme un des membres du conseil de ville, et à la première réunion du conseil, le 6 août 1861, ses collègues l’élisaient maire de la ville de Lévis.

 

        Tout était à organiser à Lévis. Le maire Carrier, pris par ses fonctions municipales, remit petit à petit la gouverne de sa maison de commerce à son employé de confiance, Charles-William Carrier.

 

        Le Maire Carrier n’avait qu’une fille, Henriette. Les jeunes gens se rencontraient souvent, ils s’aimèrent et le mariage eut lieu le 1er juin 1863. Le maire Carrier avait vite apprécié les qualités d’homme d’affaires de son gendre. Il lui abandonna dès son mariage la gouverne entière non seulement de sa maison de commerce mais aussi de ses affaires personnelles. Il n’eut pas à le regretter car son gendre augmenta considérablement ses affaires par impulsion nouvelle qu’il donna à son magasin et par les placements heureux qu’il fit des capitaux de son beau-père.

 

        Les premières industries à Lévis furent établies par des étrangers. La constatation paraîtra peut-être un paradoxe mais les étrangers voient souvent plus vite que ceux qui y vivent depuis leur naissance les avantages d’une ville pour le commerce ou l’industrie. Les belles anses de la rive-sud du Saint-Laurent faisaient la joie et l’orgueil des lévisiens mais aucun n’avait songé que ces anses étaient des lieux propices pour la construction des navires. Il n’y avait pour ainsi dire aucune dépense d’installation pour ces chantiers.

 

        Dès 1832, Allison Davie, né en Écosse, établissait un chantier pour la réparation des navires dans une anse de la rive-sud, en face même de Québec. Ce chantier, je suis fier de le proclamer, s’est considérablement développé et est devenu la principale industrie de la rive-sud. Transporté en partie à Lauzon, il a employé pendant la dernière Grande Guerre des milliers d’ouvriers. Presque en même temps que M. Davie, John Nicholson ouvrait un chantier de construction de navires dans une autre anse de la rive-sud. Dès 1836, M. Nicholson construisait dans ce chantier le brick Jessie Maria de 174 tonneaux. L’industrie de M. Nicholson fut continuée par M. William Russell. Qui n’a connu le chantier Russell?

 

        Après M. Nicholson vint M. Tibbitts, Celui-ci, originaire du Nouveau-Brunswick, ne se contenta pas de la seule industrie de la construction des navires. Il exploita un magasin et une fonderie qui eut son instant de vogue. M. Tibbitts fit venir des contremaîtres d’Angleterre et d’Écosse et ceux-ci montrèrent leur métier de fondeurs à un bon nombre de jeunes Canadiens-français qui devinrent plus tard aussi habiles que leurs maîtres.

 

        C’est la fonderie de M. Tibbitts que Damase Laîné, un jeune rural de Saint-Gervais, fit son apprentissage. Il avait de l’habilité et de l’ambition et, son apprentissage terminé, il résolut de s’établir à son propre compte.

 

        En 1864, Damase Laîné, convaincu qu’il y avait place à Lévis pour une nouvelle fonderie, se décida à en établir une à la haute ville. M. Charles-William Carrier, en réponse à une adresse que ses ouvriers lui présentèrent le 7 décembre 1882, expliquait comment il entra en société avec M. Laîné. « Je dois vous dire qu’en 1864 M. Damase Laîné venait me tendre la main et me demander de placer quelques capitaux conjointement avec quelques amis afin d’aider à la construction d’une petit fonderie qu’il désirait ériger dans le quartier Notre-Dame. Je dirigeais alors une maison de commerce qui faisait beaucoup d’affaires et je n’hésitai pas à accéder à la demande de M. Laîné dans le but d’encourager une industrie nouvelle dans cette partie de la ville. Une compagnie fut tout de suite organisée et je fus choisi pour en être le secrétaire-trésorier. Nous avions à peine commencé l’exploitation de cette fonderie que des embarras financiers surgirent et je dus engager de nouveaux capitaux afin de remettre à flot la petite barque qui menaçait de sombrer. Je continuai à diriger la maison de commerce et la fonderie jusqu’en 1874, mais à cette époque, cette dernière s’était tellement développée que je dus vendre mes intérêts dans la maison de commerce pour dévouer tout mon temps à l’industrie dans laquelle j’avais engagé petit à petit la plus grande partie de mon temps et de mes capitaux ».

 

        J’ajoute ici que la fonderie exploitée par MM. Laîné et Carrier portait le nom d’affaires de « Fonderie Canadienne ».

 

En 1864, le conseil de ville de Lévis avait décidé que le quai Lauzon serait désorais le seul débarcadère pour les bateaux qui faisaient la traversée entre Québec et Lévis. Et. Un peu plus tard, il décidait également que la halle Lauzon qui devait en même temps servir d’hôtel de ville serait construite à proximité de ce quai. M. Charles-William Carrier comprit aussitôt que le quai Lauzon serait avant peu le centre commercial et industriel de la ville. Il décida donc de transporter la Fonderie Canadienne dans cette partie de la ville. Un magnifique terrain était inocupé face au quai McKenzie, tout à côté du quai Lauzon. Ce terrain avoisinait l’ancien Hôtel Lauzon qui depuis 1818 avait attiré tant d’étrangers à Lévis. Les propriétaires du terrain en demandaient un haut prix, mais M. Carrier n’hésita pas à le payer, l’avenir de l’industrie dont il prenait la direction étant en jeu.

 

        Le 3 janvier 1868, le progrès de Lévis disait : « Nous apprenons que quelques citoyens de cette ville viennent de se former en société pour doter Lévis d’une nouvelle fonderie. Cet établissement serait à quelques pas seulement du Débarcadère, près de la halle Lauzon. Nous saluons cette nouvelle entreprise avec d’autant plus de satisfaction que loin de nuire à celles qui existent déjà ici elle ne peut que contribuer à donner plus d’extension encore à cette belle industrie, et empêcher un grand nombre de nos concitoyens d’aller porter leurs commandes aux fonderies de Montréal, comme cela est déjà arrivé en plus d’une occasion. N’oublions pas qu’il y va de la prospérité de toute notre ville, en prenant tous les moyens de fabriquer et manufacturer chez nous ce dont nous avons besoin, surtout dans ce genre d’industrie ».

 

        Le 16 avril 1869, MM. Charles-William Carrier, Pierre-Sévère Riverin et Damase Laîné, propriétaires de la fonderie Canadienne de Lévis, informaient le public qu’ils avaient transporté leur établissement dans leurs nouvelles bâtisses, en bas de la côte, sur le quai McKenzie, en face du marché et du débarcadère des bateaux traversiers.

 

        Le 1er octobre 1870, Charles-William Carrier, Pierre-Sévère Riverin et Damase Laîné faisaient savoir au public, par voie des journaux, que la société qui avait existée entre eux sous les noms et raisons de D. Laîné et Cie était dissoute et que toutes les affaires de la dite société seraient régies par la nouvelle société Carrier, Laîné et Cie, composée de Charles-William Carrier, Pierre-Sévère Riverin, Damase Laîné et Louis Carrier :

 

        C’est une nouvelle phase qui commençait dans l’histoire de l’industrie lévisienne qui avait eu un commencement si modeste.

 

        Dès 1871, M. Elisée Beaudet, de Québec, et L.-J. Boivin, de Saint-Romuald, deux capitalistes importants, prévoyant le brillant avenir réservé à la fonderie Carrier, Laîné et Cie, proposaient à M. Charles-William Carrier de la transformer en une manufacture d’instruments aratoires. Mais M. Carrier rêvait mieux et plus pour sa fonderie. Il refusa les offres alléchantes de MM. Beaudet et Boivin pour s’en tenir au plan qu’il s’était tracé et qu’il voulait mettre à exécution aussitôt que des ouvriers auraient l’expérience voulue.

 

        Son projet était d’ajouter à la fonderie déjà existante une usine où on fabriquerait la machinerie nécessaire aux bateaux et aux moulins de toutes sortes.

 

        Entre temps, les affaires de la fonderie allaient si bien qu’à l’automne de 1871 on ajoutait un nouveau bâtiment à celui qui existait déjà.

 

        Le Canadien, de Québec, du 4 novembre 1872 faisait voir à ses lecteurs les progrès de la fonderie Carrier, Laîné et Cie depuis son installation à la Basse-Ville de Lévis. « Cet établissement, disait-il, est le plus considérable de Québec et de Lévis. Il compte 13,000 pieds de terrain et donne de l’ouvrage à plus de cent ouvriers. Les gages payés chaque semaine montent à plus de $700 faisant pour l’année une somme de plus de $30,000 ».

 

        Le 16 mai 1873, l’Écho de Lévis mettait ses lecteurs au courant des progrès constants de la fonderie Carrier, Laîné et Cie et des projets de son habile fondateur pour l’avenir. Le journal disait :

 

        « En prévision de l’immense impulsion que devra prendre le commerce à Lévis d’ici à quelques années les propriétaires de la fonderie Carrier, Laîné et Cie ont conçu l’idée de transformer leur établissement en un atelier considérable où l’on fabriquera engins pour vapeurs, roues, essieux et toute espèce d’ouvrages en fer et en fonte qui font partie du roulant d’un chemin de fer. Les circonstances sont on ne peut plus favorables à l’exécution de ce projet; les nombreuses voies ferrées actuellement en construction vont créer immédiatement dans cette branche une demande assez considérable pour assurer le succès de cette industrie ».

 

        « D’ailleurs, l’entretien seuls des chemins de fer comme l’Inter colonial, le Kennebec, le chemin de fer du Nord, les chemins de fer de Gosford et du lac Saint-Jean pourra suffire pour alimenter plusieurs établissement du genre de celui dont nous parlons. M. C.-W. Carrier lui cèdera l’immense lot entre les quais McKenzie et Barras qu’il a acheté du gouvernement. C’est la plus belle grève que l’on puisse voir. Le terrain a cent pieds de front sur la rue et 470 sur le fleuve, avec une superficie de 40,000 pieds, y compris l’eau profonde. Les bâtisses seront construites sur des quais auxquels les plus gros vaisseaux auront accès à toute marée ».

 

        C’est donc à partir de 1873 ou au début de 1874 que la fonderie Carrier, Laîné et Cie devint plutôt l’usine Carrier, Laîné et Cie. La fonderie conserva toute son importance mais elle cédait le pas petit à petit à l’usine. M. Carrier comprenait toute l’importance d’avoir dans son usine un personnel compétent et sur lequel il pouvait compter. Il n’hésita pas à faire venir de France et de Belgique des contremaîtres qui avaient travaillé dans les grandes usines européennes et qui formeraient, avec le temps, les ouvriers à son emploi. Ces spécialistes tels Alexandre Thomas et François-Jacques Guillaume, ont contribué pour une grande part au succès de l’usine de M. Carrier en formant des mécaniciens et des ouvriers experts dans leur métier. L’usine Carrier, Laîné et Cie, sans avoir recours à la réclame tapageuse ni même aux simples annonces des journaux, eut dès ses premières années d’existence une excellente réputation. Afin de satisfaire pleinement ses clients, M. Carrier ne signait aucun contrat de réparation ou de construction sans s’être assuré d’abord qu’on pouvait les exécuter à la perfection dans l’usine. Les clients étaient donc certains que les ouvrages qu’ils confiaient à l’usine Carrier, Laîné et Cie leur seraient remis dans leur perfection. De là la réputation acquise par la maison dans le principe.

 

        Les commandes arrivaient si nombreuses et si pressantes à l’usine Carrier, Laîné et Cie que le bâtiment de 200 pieds de longueur était à peine terminé depuis deux ans qu’on lui ajoutait un autre bâtiment de 130 pieds de longueur.

 

        Ce nouveau bâtiment terminé donnait à l’établissement une longueur totale de près de 500 pieds sur la rue Commerciale, c’est-à-dire qu’il occupait tout l’espace compris entre la Banque de Montréal actuel et le quai Barras, moins un espace d’une trentaine de pieds occupée par une épicerie dont le propriétaire, à l’instar de l’historique sujet de Frédéric 1er, ne voulait vendre son patelin ni pour or ni pour argent. La même année, au mois de septembre 1880, MM. Carrier, Laîné et Cie accordaient un nouveau contrat pour la construction d’un bâtiment de 65 pieds de longueur sur 30 pieds de largeur qui devait être adossé à la grande bâtisse destinée à la construction de locomotives. Cette construction donnait une longueur totale de deux cent vingt cinq pieds à l’usine. En 1880, un quatrième bâtiment venait s’ajouter aux autres. Le Quotidien, de Lévis, du 30 juin 1880 disait au sujet de cette construction :

 

        « MM. Carrier, Laîné et Cie font construire un bâtiment de 200 pieds sur 80 pour la construction des locomotives, chars, engins, etc, etc, lequel sera terminé et complété pour le 15 septembre. Cette bâtisse, jointe à leur établissement actuel, sera une des plus vastes et des plus importantes de toute la Puissance. La maison Carrier, Laîné et Cie a déjà une réputation très grande : les ouvriers exécutés par cette maison ont été admirés partout et sont renommés. Nous ne craignons pas d’affirmer qu’il y a peu d’établissement dans la province et même dans le pays qui sont plus à même de faire les machines et même les instruments de mécanique avec autant de perfection ».

 

        Un peu plus tard, comme on ne pouvait plus allonger l’usine du côté nord de la rue Commerciale, MM. Carrier, Laîné et Cie élevèrent un vaste entrepôt de l’autre côté de la rue, en face même des bureaux de l’usine. Cette construction d’une centaine de pieds de longueur à trois étages devait servir à plusieurs usages. La génération actuelle a connu cet entrepôt qui, après la destruction des bâtisses de l’usine fut occupé par M. Charles Belzil. Il a été détruit par le feu le 24 novembre 1942.

 

        Puisque nous parlons des constructions de l’usine Carrier, Laîné et Cie il n’est pas hors de propos de donner un souvenir à un vieux bâtiment qui servit aussi d’entrepôt à la même usine. Je veux mentionner l’ancien hôtel Lauzon ou McKenzie. Cet hôtel bâti par le seigneur Caldwell en 1818, devint la propriété de James McKenzie qui lui donna une grande vogue. Pendant près d’un quart de siècle, l’hôtel fut fermé et le bâtiment se détériora rapidement. A la fin, il fut acheté par MM. Carrier, Laîné et Cie qui détruisirent les deux étages supérieurs. Les belles dalles de l’étage principal servirent à égarer les poêles et les ustensiles de cuisine de toutes sortes qui sortaient de l’usine. Triste sort d’un édifice qui avait reçu tant de visiteurs de marque! C’est dans l’hôtel Lauzon ou McKenzie que les électeurs avaient offert un grand banquet à l’honorable François Lemieux, le 3 septembre 1856. En cette seule occasion, l’hôtel avait reçu une dizaine de ministres et plusieurs des principaux personnages du pays. Les convives étaient au nombre de plus de trois cents et ils en eurent pour leur argent car outre le menu succulent de l’hôtel ils à digérer une vingtaine de discours.

 

        Le jour de gloire de l’usine Carrier, Laîné et Cie, fut véritablement le 11 août 1882. Le Marquis de Lorne, gendre de la reine Victoria, gouverneur général du Canada de 1878 à 1883, passait une partie de la belle saison sur la citadelle de Québec, avec sa noble épouse, la princesse Louise. Le marquis de Lorne avait deux amis à Lévis, l’honorable Joseph-Goderic Blanchet et le Révérend M. Anderson, ministre de l’église presbytérienne. Ceux-ci avaient parlé au gouverneur de l’usine Carrier, Laîné et Cie en termes si élogieux qu’il manifesta le désir de la visiter. Poète, savant, très versé dans les études sociales, le marquis de Lorne voulait voir par lui-même comment M. Carrier avait organisé sa vaste entreprise.

 

        Le maquis de Lorne, accompagné d’un aide-de-camp, arriva de bonne heure à l’usine dans l’après-midi du 11 août 1882 et il n’en partit qu’à l’heure où les ouvriers quittèrent leur travail. Il visita chaque département, se faisant expliquer le fonctionnement des machines, questionnant en excellent français chaque ouvrier qu’il rencontrait, etc, etc. Il voulut bien dire à M. Carrier avant de laisser l’usine qu’il n’avait pas vue d’établissement mieux outillé dans tout le pays et que nulle part il n’avait rencontré des ouvriers aussi satisfaits de leur sort. De retour sur la citadelle de Québec, le marquis de Lorne prit la peine d’écrire une lettre autographe à M. Carrier pour le féliciter de l’organisation parfaite de son usine et lui dire quel plaisir et quel profit il avait retirés de sa visite.

 

        Cette lettre du marquis de Lorne, je l’ai vu souvent dans le bureau de M. Carrier. Conservé dans un riche cadre, elle était là sur le mur, bien en face de la table de travail du patron qui était bien heureux de la faire lire à ses visiteurs.

 

        Qu’est devenu ce beau témoignage à l’industriel canadien-français? Probablement détruit comme tout le reste du grand établissement.

 

        Nul n’a mieux compris que M. Carrier qu’il fallait pour l’ouvrier une formation tout comme pour l’avocat, le médecin ou le notaire. On ne s’improvise pas mécanicien, ingénieur ni même simple chaudronnier du jour au lendemain. Il faut un apprentissage de plusieurs mois, parfois de quelques années. De cet apprentissage dépend l’avenir de l’ouvrier. Si l’ouvrier a mal appris le métier qu’il veut exercer il sera toute sa vie un artisan médiocre. C’est pourquoi M. Carrier s’intéressait tant au sort du jeune homme, de l’apprenti qui entrait à l’usine. Dans son intérêt comme dans celui du jeune homme, il voulait en faire un bon ouvrier.

 

        Peu après la Confédération, le gouvernement de Québec avait établi un Conseil des Arts et Manufactures. Ce Conseil, très actif dès ses débuts, établit à Montréal et à Québec des Écoles des Arts où jeunes gens et jeunes filles pouvaient apprendre, le soir, les éléments du dessin industriel, commercial et même de fantaisie. M. Carrier, voulut faire profiter la jeunesse ouvrière de Lévis des avantages accordés aux villes de Montréal et de Québec. Avec l’aide de M. L.-I. Boivin, de Saint-Romuald, qui faisaient partie du Conseil des Arts et Manufactures, il obtint une école de ce genre pour Lévis. Elle fut ouverte dans la salle des délibérations du Conseil de ville, haut de la halle Lauzon, dès l’automne de 1873, et une cinquantaine de jeunes ouvriers de Carrier, Laîné et Cie s’inscrivirent comme élèves.

 

        Un peu plus tard, M. L.-L. Boivin allait s’établir à Montréal et le gouvernement de Québec choisit M. Carrier pour le remplacer au Conseil des Arts et Manufactures.

 

        Malgré ses nombreuses occupations, M. Carrier trouva toujours le temps de suivre pour ainsi dire pas à pas les progrès de l’École des Arts de Lévis. Il se rendit très souvent aux cours du soir et encourageait de toute façon ses employés à suivre ces utiles leçons. Il fit même plus, en payant de ses propres deniers les récompenses accordées aux élèves pour leurs succès.

 

        De l’École des Arts de Lévis dirigée par des professeurs compétents comme MM. Hypolite Larochelle et P.-N. Hamel sont sortis des élèves qui ont fait honneur à leurs maîtres comme à leur ville. Quelques-uns de ces élèves devinrent de véritables artistes. Les succès de MM. Joseph Schérer et Léonidas Guenette, devenus à leur tour professeur, sont encore à la mémoire des anciens.

 

        En 1882, les collègues de M. Carrier l’élevaient à la présidence du Conseil des Arts et Manufactures.

 

        Le Quotidien du 10 mai 1882 disait, à l’occasion de l’élection de M. Carrier : « Nous voyons avec le plus grand plaisir le nom de l’un de nos premiers citoyens, l’un de nos manufacturiers les plus entreprenants, à la tête du Conseil des Arts et Manufactures. M. Carrier fait partie de cette importante société depuis plusieurs années et ses connaissances étendues, sa réputation de grand manufacturier, le désignaient au poste de confiance qu’il occupe aujourd’hui. La ville de Lévis sera fière d’apprendre cette bonne nouvelle car l’honneur rejaillit sur elle ».

 

        M. Carrier garda la présidence du Conseil des Arts et Manufactures jusqu’à sa mort. Son zèle et son dévouement pour cette association ne se démentirent pas un seul instant. Il est à noter que les membres du Conseil ne recevaient aucune rémunération du gouvernement pour leurs services. Ils agissaient par pur dévouement à la jeunesse qui voulait s’instruire.

 

        Tout semblait sourire à Charles-William Carrier. Après moins de vingt ans d’existence, l’usine Carrier, Laîné et Cie avait plus de commandes qu’elle ne pouvait en exécuter malgré ses agrandissements successifs. M. Carrier était à la veille de réaliser son rêve de créer à Lévis une puissante industrie qui aurait fourni aux chemins de fer locomotives et wagons. Il avait en mains la promesse formelle d’une commande considérable du chemin de fer de l’État. Mais il faut toujours avoir à la pensée le mot célèbre de Bossuet à propos de Cromwell : un grain de sable mit fin à ses audacieuses entreprises. Pour M. Carrier le grain de sable fut un banal mal de gorge qu’il négligea de soigner dès le début.

 

        C’est en 1886 qu’il commença à ressentir les atteintes de la maladie qui devait l’emporter. Une bénigne affection de la gorge le retint quelques jours à la maison. Cependant, ses affaires l’appelaient à l’usine et peut-être y retourna-t-il trop tôt. Le mal le reprit peu après. Cette fois les médecins de M. Carrier furent inquiets et lui prescrivirent de passer l’hiver de 1886-1887 en Californie où le climat était plus clément qu’au Canada. Les spécialistes de là-bas jugèrent sa maladie très grave et lui conseillèrent de revenir au pays. Son cas était désespéré et seul un miracle pouvait le sauver.

 

        M. Carrier revint de Californie le 22 mars 1887, et tenta de faire croire aux siens que sa santé avait bénéficié de son séjour dans un climat chaud et enchanteur. Il se rendit même pendant quelques jours à son usine, mais son extraordinaire énergie seule le tenait debout. Il était frappé à mort. Bientôt, il dût garder la chambre. Avec la foi du chrétien, il accepta sans murmurer la volonté divine et mit ordre à ses affaires de conscience comme à celles de son usine.

 

        Ce miracle qui pouvait sauver ou tout au moins prolonger la vie de leur patron, les ouvriers de l’usine Carrier, Laîné et Cie résolurent de le demander à la Bonne Sainte-Anne.

 

        En 1887, les pèlerinages à Sainte-Anne de Beaupré se faisaient encore en bateaux à vapeur. Le chemin de fer Québec, Montmorency et Charlevoix n’existait encore qu’à l’état rudimentaire et les automobilistes ne sillonnaient pas encore nos routes. J’ai vu, le matin du 2 juillet 1887, partir du quai de la Fonderie – c’est le nom qu’on donnait alors au quai du gouvernement – le bateau qui conduisait les ouvriers de l’usine Carrier, Laîné et Cie à Sainte-Anne de Beaupré. Le spectacle était vraiment touchant. La plupart de ces ouvriers amenaient avec eux leurs femmes et leurs enfants. Les prières des petits ont tant de puissance là-haut! Tous passèrent la journée à Sainte-Anne de Beaupré et les prières et supplications de ces braves gens furent bien sincères. Les Pères Rédemptoristes, gardiens du sanctuaire national, leur en ont rendu le témoignage à maintes reprises.

 

        Cet acte de dévotion, cette preuve d’attachement à leur patron touchèrent profondément M. Carrier et lui rendirent l’espoir pour quelques jours. Mais Dieu en avait décidé autrement et, le 18 septembre 1887, entouré des siens, et du prêtre consolateur, il fermait les yeux à jamais, à l’âge de 48 ans et quelques mois.

 

        Je consigne ici le témoignage ému, que rendait à M. Carrier, le lendemain de sa mort, un de ses amis et admirateurs, qui avait été à même de le suivre dans sa carrière utile. Le Quotidien du 19 septembre 1887 disait, sous la signature de J.-Edmond Roy :

 

        « C’est notre pénible part d’avoir à annoncer la mort de M. Charles-William Carrier, le propriétaire des usines Carrier, Laîné et Cie. C’est dans la nuit de samedi à dimanche que M. Carrier a cessé de vivre. Victime de la phtisie, il a été pendant de longs mois cloué sur un lit de souffrance. Ni les soins touchants, ni le dévouement admirable de toute une famille, ni les prières incessantes de tout un peuple d’ouvriers n’ont pu détourner de nous ce malheur. Cette mort prévue depuis longtemps, hélas! Jettera le deuil au milieu de nous. M. Carrier laissera une large trace dans Lévis, car c’est lui qui, véritablement, y a crée les industries dont notre ville s’honore. Il meurt en léguant à un établissement considéré à bon droit comme le plus important dans l’industrie du fer de tout le Dominion ».

 

        Les funérailles de Charles-William Carrier eurent lieu le 21 septembre 1887, au milieu d’une foule émue, qu’on estima dans le temps à plus de 2000 personnes. Détails touchant qui montre bien l’attachement des ouvriers de Carrier, Laîné et Cie pour leur patron. Ils réclamèrent l’honneur de porter sa dépouille mortelle de la maison mortuaire à l’église Notre-Dame, et les coins du poële furent tenus pas son associé, M. Damase Laîné, et ses principaux employés et contremaîtres, MM. William Young, Hypolite Larochelle, Ambroise Poliquin, Alexandre Thomas et Thomas Lemelin.

 

        M. Charles-William Carrier, au début de sa maladie, se faisait si peu illusion sur ses suites, qu’il s’était rendu au cimetière Mont-Marie et y avait lui-même choisi le lieu de sa sépulture, au fond de l’allée centrale, à l’ombre des beaux arbres qu’il avait vu planter et grandir. Il avait même fait commencer la construction d’une chapelle funéraire qui n’était pas encore terminée à sa mort. C’est là qu’il fut inhumé le 26 décembre 1887, après avoir reposé pendant trois mois dans les caves de l’église Notre-Dame.

 

        M. Carrier avait acheté de la ville de Lévis, le 13 octobre 1884, au prix de $10,000, toute la partie supérieur du parc Shaw (aujourd’hui la Terrasse Chevalier de Lévis). Il avait l’intention d’y construire sa résidence au milieu des grands arbres qui à cette époque ornaient encore ce vaste terrain. La même année, il faisait élever un beau mur de pierre sur tout le front de son domaine. Mais sa maladie lui fit abandonner son projet de se construire une maison dans le parc Shaw. Le terrain de M. Carrier est aujourd’hui occupé par l’édifice des Chevaliers de Colomb et six ou sept maisons d’habitation.

 

        Comme les légendes se forment vite! Quand les nouveaux propriétaires détruisirent une partie du mur construit par M. Carrier en 1884 ou 1885 un journal de Québec annonça gravement que ce mur remontait au temps du seigneur Caldwell.

 

        Les grandes entreprises d’aujourd’hui, malgré que leurs employés soient formés en syndicats ou en fédérations, ont détruit la solidarité ou la fraternité qui existaient autrefois entre les ouvriers d’une même usine ou manufacture. Ces industries, le plus souvent, appartiennent à des sociétés anonymes dont les ouvriers ne connaissent pas même les officiers. Le géant de l’entreprise ne voit pas les ouvriers, les contremaîtres sont les maîtres suprêmes dans les différents départements et si un ouvrier qui a des griefs ose les porter à la direction, il se fait tout de suite un ennemi de son chef immédiat et gare à lui s’il commet la moindre erreur. C’est là un des grands défauts de ces agglomérations de centaines ou encore plus de milliers d’ouvriers.

 

        Quelle différence avec les usines d’autrefois! Pour sa part, M. Charles-William Carrier, sans avoir été ouvrier et sans connaître la technique de son établissement, fut un des premiers patrons de son temps à comprendre qu’on doit attacher l’ouvrier à son travail par des liens plus solides que ceux de la paie hebdomadaire. L’artisan, qui ne sait pas pour qui il travaille, qui passe sa journée dans un atelier malpropre, mal aéré, où les appareils sont un danger continuel pour ceux qui les conduisent, devient vite une machine qui marche au ralenti, se détraque et finit par produire peu ou même pas du tout. M. Carrier passait souvent dans chaque département de l’usine, il s’intéressait au travail de l’ouvrier le questionnait, discutait avec lui, le félicitait s’il y avait lieu. Les contremaîtres avaient instruction de bien traiter les hommes sous leurs ordres. La discipline, l’ordre, la compréhension existaient dans chaque département de l’usine. Le matin, les ouvriers commençaient leur labeur avec plaisir et quand venait l’heure de la fermeture, aucun d’eux ne se sentait trop fatigué et encore moins abruti. Tous avaient été traités avec humanité et justice.

 

        La sollicitude de M. Carrier pour son personnel allait encore plus loin. Chaque année, dans la belle saison il conduisait ses employés et leurs familles, en bateau, à l’île d’Orléans, à Saint-Michel de Bellechasse ou encore sur la côte de Beaupré, pour toute la journée. On parlait de ce joyeux pique-nique longtemps à l’avance et le souvenir qu’on en rapportait aidait à cimenter les liens qui existaient entre le patron, ses ouvriers et même leurs familles.

 

        Le 17 août 1885, il nolisait le vapeur Pilot pour conduire ses ouvriers et leurs familles à un endroit que bien peu d’entre eux auraient eu l’opportunité de voir sans la générosité du patron. C’est à l’île aux Grues que ce jour d’août 1885 les ouvriers eurent leur pique-nique annuel. La température était superbe et la journée fut des plus agréables pour tous. Ceux qui assistaient à ce voyage de plaisir, à voir l’entrain, la gaieté, la joie du patron, se doutaient-ils qu’un peu plus de deux ans plus tard, il serait couché dans la tombe?

 

        Bref, comme on l’a dit bien souvent, les ouvriers de Carrier, Laîné et Cie formaient une grande famille dont le patron était le père respecté et aimé.

 

        Répétons-le encore une fois. Pour qu’il y ait entente entre le capital et le travail, il faut que les patrons et les ouvriers se comprennent et s’estiment. L’ouvrier qui reçoit un salaire de $5 ou $6.00 par jour se croit quitte envers son patron puisqu’il lui a donné son travail pendant la même période. Si, en outre du salaire qu’il donne à son ouvrier, le patron partage un peu ses joies et ses tristesses, celui-ci, s’il a du cœur, comprendra que son employeur n’est pas son ennemi mais plutôt son bienfaiteur.

 

        Énumérer les « Ouvrages » importants exécutées par la maison Carrier, Laîné et Cie à partir de sa transformation en usine en 1873 jusqu’à la disparition de son fondateur, en 1887, n’est pas tâche facile. Les livres de comptes de la maison n’existent plus et nous n’avons que les journaux pour nous renseigner. Toutefois, à l’aide des souvenirs de quelques vieux employés de M. Carrier, j’ai pu recueillir un certain nombre « d’ouvrages » importants exécutés dans l’usine disparue. Ma liste n’est pas complète, loin de là, toutefois elle démontrera l’habilité des ouvriers et la diversité des ouvrages qu’on leur confiait.

 

        En 1874, la Compagnie des remorqueurs du Saint-Laurent, dont le président était l’honorable Thomas McGreevy et le gérant-général M. Julien Chabot, confiait à Carrier, Laîné et Cie la fabrication de l’engin et de la machinerie du vapeur Progrès. Le navire fut lancé le 24 novembre 1874 et donna tout de suite entière satisfaction à ses propriétaires. Le Progrès fit la traversée du fleuve entre Québec et Lévis pendant plusieurs années puis fut employé sur la ligne du Saguenay. Le Progrès, évidemment, n’avait pas la force des vapeurs d’aujourd’hui mais il était bien supérieur à tous les vaisseaux du même genre construits avant sa mise à l’eau. J’ai souvent entendu de vieux marins faire l’éloge de la machinerie du Progrès.

 

        En 1877, Carrier, Laîné et Cie construisaient le vapeur North pour le compte de la Quebec and Levis ferry Co. Ce vapeur, d’un genre tout nouveau, fit la traversée entre Québec et Lévis pendant douze ans. Sa machinerie resta tout le temps en si bon état que lors de la reconstruction du North en 1885 on jugea à propos de l’installer dans le nouveau vapeur. J’ai fait la traversée à bord du North des centaines de fois et je puis assurer que même dans les marées assez fortes de l’automne la vapeur réussissait toujours à suivre l’horaire fixé par la Quebec and Levis Ferry Co.

 

        En 1880, le gouvernement du Canada confiait à la maison Carrier, Laîné et Cie l’important contrat de toute la machinerie du bassin de redout de Lauzon. Certains bureaucrates d’Ottawa, fâchés de voir ce beau contrat aller à une maison canadienne-française, avaient émis des doutes sur la compétence des ouvriers lévisiens pour conduire l’ouvrage à bonne fin. Ces machines furent inaugurées en 1886, en présence de deux ou trois ministres fédéraux, et l’essai fut un succès éclatant pour l’usine Carrier, Laîné et Cie. 1886 à 1948! C’est deux dates représentent une période de plus de soixante ans. Toutes ces machines sont encore à l’œuvre et avec quelques réparations peuvent durer encore plusieurs années.

 

        L’année 1881 fut un période de travail de jour et de nuit pour l’usine Carrier, Laîné et Cie. Les autorités du chemin de fer Intercolonial avaient donné au patron une commande de cent wagons plateformes. Comme toutes les entreprises faites par les gouvernements on avait attendu à la dernière minute pour donner les plans de ces wagons et une fois l’ouvrage en marche les ouvriers durent faire diligence pour le finir, le chemin de fer ayant un besoin pressant de matériel. C’est précisément pour avoir leurs wagons plus rapidement que les officiers de l’Intercolonial pratiquèrent une voie d’évitement dans les cours de l’usine Carrier, Laîné et Cie.

 

        En 1883, les ouvriers de Carrier, Laîné et Cie, toujours fiers de montrer leur ouvrage aux connaisseurs, eurent l’occasion de se rejouir. La Quebec & Levis Ferry confiait, en effet à Carrier, Laîné et Cie la construction et l’aménagement complet du traversier Polaris que la génération actuelle n’a connu que de nom mais dont celle qui l’a précédée n’a pas oublié les prouesses à travers les glaces. Le Polaris fut lancé le 30 octobre 1883 et commença ses voyages réguliers entre Québec et Lévis dès le mois suivant.

 

        Carrier, Laîné et Cie fabriquaient à peu près de tout dans leur usine. En 1884, M. Charles-William Carrier, pour prouver qu’il n’était pas nécessaire de s’adresser en Europe ou aux Etats-Unis pour se procurer d’excellentes pompes à incendie, s’avisa d’en faire construire une par ses ouvriers. L’essai de cette pompe se fit le 16 octobre 1884, en présence du maire de Lévis, M. Lefrançois, de tous les membres du conseil de ville et d’une grande foule de curieux. On maintint cette pompe à 240 livres de pression hydraulique au pouce carré pendant plus de quarante minutes, et l’essai fut jugé très satisfaisant pour tous les experts présents. La ville de Lévis acheta cette pompe quelques jours plus tard au prix de $2,500.

 

        On sait qu’en 1885, les citoyens de Lévis élevaient une statue au fondateur de la ville. C’est le sculpteur Louis-Philippe Hébert, qui était au début d’une carrière qui devait le rendre célèbre, qui fut chargé de faire passer la haute statue de Mgr Déziel dans le plâtre. Mais il s’agissait de couler cette statue de plâtre dans le bronze. Aucune fonderie canadienne ne s’était encore risquée à faire ce travail délicat. Hébert voulait envoyer sa maquette en France ou en Belgique où se faisaient alors ces opérations délicates. M. Carrier offrit de couler gratuitement la maquette de Hébert dans ses ateliers. Son offre fut acceptée avec reconnaissance. La statue de Mgr Déziel est sur la place publique depuis plus d’un demi-siècle et elle bravera les intempéries des saisons encore de nombreuses années.

 

        Mais j’ai hâte de dire un mot de l’œuvre la plus délicate et peut-être la mieux réussie de l’usine Carrier, Laîné et Cie du vivant de son fondateur. Je veux parler du yatch de plaisance le Ninie. Qu’était le Ninie. Ce ne sont pas ceux de ma génération que pareille question embarasserait. Les jeunes et les vieux de mon temps connaissaient le Ninie, le plus élégant, le plus beau et le plus rapide yatch à vapeur du port de Québec aux alentours de 1885. Il était la propriété de M. Charles-William Carrier. Il ne faudrait pas croire toutefois que M. Carrier avait voulu jouer au millionnaire ou au nabab en faisant des croisières avec le yatch Ninie. Il aimait à donner tout le confort désirable à sa famille mais ses goûts et ceux des siens étaient trop simples et trop raisonnables pour se permettre un tel luxe. Le yatch Ninie était venu en sa possession par la force des circonstances. La maison Carrier, Laîné et Cie avait construit ce navire pour M. Eugène Bender qui voulait l’employer, je crois, comme navire d’excursions ou croisière pour les gens riches. Rien n’avait été négligé pour en faire un navire luxueux et donner à ses passagers de quelques l’illusion de se trouver dans un véritable Eden. Mais il se trouva que le yatch une fois terminé, le propriétaire trompé par ceux qui lui avançaient les fonds, ne fut plus en état de la payer. M. Carrier fut donc obligé de garder le Ninie en attendant de trouver un acheteur convenable. C’est ainsi que la famille et les amis de M. Carrier purent faire pendant une couple de saisons d’agréables excursions sur le Ninie. La plupart de ceux qui jouirent de l’hospitalité de M. Carrier sont disparus de la scène du monde, mais je connais un excellent médecin de Thetford, originaire de Lévis, qui garde dans son bureau, bien en face de sa table de travail, pour l’avoir plus souvent sous les yeux, une photographie agrandie du yatch Ninie. Elle lui rappelle les délicieuses excursions qu’il fit sur les eaux du Saint-Laurent aux jours de sa jeunesse, avec les membres de la famille Carrier. Souvenirs du jeune âge sont encore les meilleurs! Après la mort de M. Carrier, le Ninie fut vendu à MM. J. A. et J. T. Matthews, riches armateurs de Toronto (octobre 1888).

 

        Et, puisque l’ancienne usine Carrier, Laîné et Cie faisait pour ainsi dire partie de notre patrimoine national, elle fut, en effet, la première grande industrie canadienne-française, pourquoi ne pas suivre son histoire depuis la mort de son fondateur jusqu’à sa fin, plus encore jusqu’à la dispersion des murs qui lui avaient servi d’abri?

 

        M. Charles-William Carrier laissait trois fils qui à sa mort avaient Louis, vingt ans, Charles-Henri dix-huit ans, et Omer quatorze ans. Tous trois firent leurs études à l’université d’Ottawa et étaient ce qu’on peut appeler des jeunes gens d’avenir. Leur père avait tenu à leur donner une instruction en rapport avec les besoins de l’importante entreprise qu’ils auraient à diriger plus tard. Mais hélas! La Providence dérange parfois en quelques jours ou en quelques heures les rêves qui paraissaient les plus légitimes, les plans les mieux préparés.

 

        L’aîné des fils de M. Carrier, Louis un jeune homme sérieux, studieux, qui montrait déjà les plus belles dispositions pour succéder à son père, quelques mois à peine après la disparition du fondateur, fut à son tour surpris par la maladie. Son médecin lui conseilla de vivre quelques mois dans un climat plus clément. Il partit pour Denver, dans le Colorado. Là, des médecins réputés tentèrent d’enrayer le mal mais malgré leur science, leur dévouement, Louis Carrier décéda à Denver le 28 novembre 1888, à l’âge de 21 ans et 11 mois.

 

        Charles-Henri Carrier, deuxième fils de M. Carrier, à peine sorti de l’université d’Ottawa, fut appelé à prendre la direction de l’usine Carrier, Laîné et Cie. Comme son frère défunt, il était intelligent, actif, plein de bonnes dispositions, et en quelques années aurait fait un chef d’industrie idéal. Mais le mauvais sort s’acharnait sur la famille Carrier. M. William Young, l’homme de confiance de M. Carrier père, son principal employé depuis plusieurs années, celui qui connaissait le mieux les affaires de l’usine, quitta Lévis pour les Etats-Unis. Quelques années plus tard, Omer-H. Carrier, frère cadet du propriétaire, qui lui aidait dans la direction de l’usine, décédait à l’âge de 24 ans le 20 mai 1897, en touchant accidentellement à un fil chargé d’électricité.

 

        Charles-Henri Carrier ne se laisse pas décourager par ces coups successifs de la Providence. Mais depuis la fondation de l’usine Carrier, Laîné et Cie des industries du même genre avaient été établies à Québec, à Montréal et ailleurs. Toutes ou à peu près toutes étaient amplement pourvues de capitaux et par suite de leur situation géographique étaient en mesure de faire une rude concurrence à l’industrie lévisienne. M. Carrier lutta vaillamment un bon nombre d’années, mais il dût contracter de forts emprunts pour mettre son usine sur le même pied d’efficacité que ses concurrents.

 

        À l’automne de 1905, la banque de Montréal, créancière de Carrier, Laîné et Cie, demanda à la société de faire cession de ses biens, en invoquant qu’elle avait cessé ses paiements. MM. Carrier, Laîné et Cie contestèrent la demande de cession et prétendirent qu’ils étaient solvables et capables de payer leurs dus légitimes.

 

        Justifiée ou non, la réclamation de la banque de Montréal fut la cause de la fermeture puis de la ruine de l’usine Carrier, Laîné et Cie. Quelques autres créanciers, rendus craintifs par cette procédure de la banque de Montréal, se mirent de la partie. Le 31 décembre 1896, Carrier, Laîné et Cie, afin de capitaliser une partie de leur dette, avaient emprunté du cardinal Vaughan, archevêque de Westminster en Angleterre, une somme de $100,000. Les exécuteurs testamentaires du cardinal Vaughan, exigèrent le remboursement immédiat du prêt qui, pourtant, était fait pour un terme de trente ans.

 

        Le plaideur connait la date de la première procédure dans l’action qu’il a intentée. Quel est celui qui peut prédire quand finira une instance en cour? Les procédures de la banque de Montréal contre MM. Carrier, Laîné et Cie avaient commencé dans l’automne de 1905 et elles duraient encore en 1908.

 

        Cette longue agonie d’une industrie qui promettait tant se termina le 14 août 1908, à la porte de l’église Notre-Dame de Lévis par la vente à l’enchère de l’usine Carrier, Laîné et Cie à la banque de Montréal pour le prix relativement peu élevé de $380,000.

 

        Un journal du temps donna la liste des enchères successives faites ce jours-là pour l’achat de la célèbre usine : Je le cite :

 

        1ère enchère, Joseph Paquet, $50,000;

        2e enchère, Edmond Taschereau, $100,000;

        3e enchère, F. J. Cockburn (pour la banque de Montréal), $150,000;

        4e enchère, Edmond Taschereau, $200,000;

        5e enchère, F. J. Cockburn, $250,000;

        6e enchère, Edmond Taschereau, $275,000;

        7e enchère, F. J. Cockburn, $300,000;

        8e enchère, L.-O. Audet, $315,000;

        9e enchère, Edmond Taschereau, $325,000;

        10e enchère, F. J. Cockburn, $340,000;

        11e enchère, L.-O. Audet, $350,000;

        12e enchère, Edmond Taschereau, $370,000;

        13e enchère, F. J. Cockburn, $375,000;

        14e enchère, Edmond Taschereau, $376,500;

        15e enchère, F. J. Cockburn, $377,000;

        17e enchère, Edmond Taschereau, $377,500;

        18e enchère, F. J. Cockburn, $379,000;

        19e enchère, Edmond Taschereau, $379,250;

        20e enchère, F. J. Cockburn, $379,500;

        21e enchère, Edmond Taschereau, $379,700;

        22e enchère, F. J. Cockburn, $380,000;

 

        Ainsi se termina ce duel qui pouvait être intéressant pour les badauds, mais que les employés de l’usine et ceux qui s’intéressaient à son sort suivirent avec une tristesse qui s’alliait bien avec la température de ce 14 août 1908, jour sans soleil, presque sans chaleur.

 

        De la banque de Montréal, l’usine passa au gouvernement du Canada (chemin de fer nationaux) qui au lieu de l’exploiter la loua à la Canadian General Shoe Machine Co (avril 1909), puis, à la Lauzon Engineering Co. Ces deux industries qui dès leur début furent aux prises avec des difficultés financières, s’occupèrent peu de l’entretien des bâtiments de l’usine, et après la liquidation de la dernière, le gouvernement du Canada décida de jeter toutes les bâtisses par terre. Ce qui fut fait dans le printemps ou l’été de 1912. Ainsi disparut la création de Charles-William Carrier.

 

        Quand vous vous rendez à Beaumont par la route qui longe la cime du cap et donne une si belle vue du Saint-Laurent et de la côte nord, un peu avant d’arriver à la première côte dominée par la somptueuse maison de M. Hearn, avocat de Québec, vous voyez au nord de la route, une maison lambrissée de briques rouges qui ont un peu perdu leur couleur avec le temps. C’est la seule maison du genre dans toute cette partie de l’ancien fief de Vincennes. Je ne vois jamais cette maison sans un peu de mélancolie. Quand le gouvernement du Canadien National décida de jeter par terre l’ancienne usine Carrier, Laîné et Cie parce que, paraît-il, elle pouvait tomber sur les passants de la rue Commerciale, la brique du long édifice fut vendue ou donnée. Cette maison de Beaumont fut construite avec une partie de cette brique.

 

        Qu’on le croit ou non, les vieilles maisons parlent à ceux qui les aiment et les respectent. Celle de Beaumont semble raconter une triste histoire, celle de l’usine Carrier, Laîné et Cie qui fut un jour la gloire de l’industrie canadien-française et n’est plus qu’un souvenir qui s’efface de jour en jour.

 

        Pour être plus complet, j’ajoute que l’ancien quai McKenzie devenu le quai de la Fonderie après son achat par Carrier, Laîné et Cie fut plongé en quai à eau profonde par le gouvernement du Canada en 1907, au coût de près d’un demi-million de dollars. Sur ce quai on installa en 1915 un appareil à décharger le charbon (coal Plant) très ingénieux mais qui coûta lui aussi une somme énorme. Cet appareil sortait le charbon des cales des steamers océaniques puis le plaçait dans des wagons minuscules qui, à leur tour, déposait leurs charges dans les grands wagons placés sur une voie d’évitement. La poussière que produisaient ces différentes opérations montait en nuages épais sur la cime du promontoire de Lévis et était une cause d’ennui pour tous les résidents de la rue Fraser. C’est avec soulagement qu’ils virent la disparition du Coal Plant dans l’été de 1947.

 

        M. Charles-William Carrier avait épousé à Lévis, le 1er juin 1864, Henriette-Camille Carrier, fille de Louis Carrier et d’Emélie Valois. Madame Carrier décéda à Lévis le 8 février 1908, à l’âge de 69 ans.

 

        1º Louis-William Carrier, décédé à Denver, Colorado, le 28 novembre 1888, à l’âge de 21 ans et 11 mois.

 

        2º Charles-Henri Carrier, marié à Justine Dunham (15 juin 1892) et décédé à Sainte-Marguerite du lac Masson le 12 décembre 1939, à l’âge de 65 ans.

 

        3º Omer-H. Carrier, marié à Corinne Hamel (17 avril 1894) et décédé accidentellement près de la chûte Montmorency, le 30 mai 1897, à l’âge de 24 ans.

 

        4º Marie-Emélie-Henriette Carrier, mariée à Arthur Belleau Vanfelson (11 février 1890) et décédée à Québec le 27 mai 1940, à l’âge de 71 ans.

 

        5º Marie-Henriette-Georgiana Carrier, mariée à Louis-Philippe Dorval (14 juillet 1903)

 

        6º Marie-Laetitia-Augustine Carrier, Mariée à Almanzor Lamontagne (20 août 1902) et décédée à Lévis le 8 août 1903, à l’âge de 25 ans et 8 mois.

 

        Madame Dorval est donc la seule survivante des enfants de M.-Charles-William Carrier.

 

(Voir page 184 à 238)

 

 

Les fils de François-Xavier Roy 

 

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5º David, qui fut lui aussi entrepreneur menuisier et décéda le 23 août 1901, à l’âge de 60 ans. Marié à Damassie Huard (8 mai 1868) puis à Hélène Carrier (21 novembre 1870). Père de Joseph-Eugenie, avocat, décédé en 1914; Marie-Eugenie, mariée à François-Xavier Laflamme, décédée; Joseph-Valère, curé de Lévis et chanoine; Marie-Emma; Réné, ancien échevin de Lévis, décédé; Alice, décédée; Lucien, Marie-Eugenie-Hélena, mariée à Eudore Bernier.

 

(Voir page 262)

 

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Jean Baptiste Blouin

 

Dans l’été de 1876, une élection de marguilliers avait lieu à Notre-Dame de Lévis pour remplacer Claude Lemieux, qui habitait la nouvelle paroisse de Saint-David. Il y eut lutte entre les abouts, comme on disait alors, et le centre de la paroisse. M. Blouin, candidat des abouts, fut battu par M. Georges Carrier.

 

 

 

(Voir page 267)

 

 

APPENDICE

 

PRÊTRES NÉS À NOTRE-DAME-DE-LÉVIS

 

        2º L’abbé Jean-Baptiste Thibault né le 14 décembre 1810, du mariage de Jean-Baptiste Thibault et de Charlotte Carrier (1). Ordonné prêtre à la Rivière-Rouge le 8 septembre 1833. Décédé curé de Saint-Denis de Kamouraska le 4 avril 1879.

 

(1)   Baptisé à l’église de Saint-Joseph de Lévis.

 

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        11º L’abbé Charles-Édouard Carrier né le 22 mars 1853, du mariage de Georges Carrier et de Julie Labadie. Ordonné prêtre à Québec le 28 mai 1876. Décédé curé de Saint-Joseph de la Beauce le 10 décembre 1911.

 

(Voir pages-276 et 277)

 

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        38º Mgr Joseph Hallé né le 6 décembre 1874, du mariage de Odule Hallé et de Rose de Lima Carrier. Ordonné prêtre à Québec le 23 mai 1897. Professeur au collège de Lévis. Décédé subitement au presbytère de Saint-Léon de Standon le 31 août 1941.

 

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        42º L’abbé Valère Roy né le 9 octobre 1876, du mariage de David Roy et d’Hélène Carrier. Ordonné prêtre à Québec le 22 avril 1900. Curé de Notre-Dame-De-Lévis.

 

(Voir pages 282 et 283)