Architecture religieuse
Les
débuts de l'architecture religieuse canadienne coïncident avec la venue des
premiers missionnaires en NOUVELLE-FRANCE. Les récollets, arrives au pays en
1615, et les jésuites, en 1625, bâtissent des chapelles de mission, en
utilisant les techniques de construction des Autochtones. Puis ils remplacent
ces premiers bâtiments rudimentaires par des structures un peu plus
permanentes, en bois de charpente. Assez tôt au XVIIe siècle, les communautés
religieuses construisent aussi des chapelles et des petites églises destinées à
la pratique du culte des colons français. Comme les chapelles de mission, ces
premiers bâtiments ont une facture très simple et dépouillée. Érigés d'abord en
bois, ils font place graduellement à des constructions en pierre. Dès la
seconde moitié du XVIIe siècle, avec l'arrivée d'un plus grand nombre
d'artisans et de constructeurs formés en France, et sous l'influence des
Jésuites, sont construites à Québec et Montréal quelques grandes églises qui
transposent ici certains traits de l'architecture religieuse française. Ces
bâtiments se caractérisent notamment par leur plan en forme de croix latine et
leur clocher posé à la croisée de la nef et du transept. L'église des Jésuites
à Québec (érigée en 1666, démolie en 1807) se révèle un exemple marquant de
cette architecture classique d'origine française, alors introduite dans la
colonie. Le premier évêque de Québec, François de Montmorency-LAVAL, va jouer
un rôle déterminant au niveau de la diffusion de ce style dans les villages et
les campagnes, en encourageant et en contrôlant la construction de nombreuses
églises de pierre qui adaptent et simplifient ces modèles de l'architecture
française.
Le dix-huitième siècle
Pendant
la première moitié du XVIIIe s., les travaux de
l'ingénieur du roi, Gaspard CHAUSSE-GROS DE LÉRY, dans les villes de Montréal
et Québec, perpétuent ce style tout en l'adaptant au contexte colonial. Mais ce
sont les petites églises rurales, construites par une main-d’œuvre locale qui
témoignent le mieux de l'originalité et des qualités de cette tradition
architecturale naissante. Autant par sa présence physique que par son symbolisme,
l'église paroissiale devient alors le bâtiment le plus important de la collectivité. Les
trois sortes de plans employés pour la construction de ces églises demeurent en
usage au Québec jusqu'au début du XIXe s. Déjà présent au siècle précédent, le
plan jésuite en forme de croix latine se distingue par des chapelles qui
coupent la nef. Le
plan récollet est constitué d'une nef avec une abside semi-circulaire
légèrement en retrait. Encore plus simple, le plan MAILLOU
comporte une nef qui se termine par une abside en demi-cercle. Avec son plan
récollet, ses murs de pierre des champs et ses ouvertures tête cintrée,
l'église Saint-François (1734-1736) à l'île d'ORLÉANS, est représentative de
ces petites églises paroissiales dont l'extérieur est marqué de la plus grande
sobriété. Par contre, plusieurs d'entre elles ont un riche décor intérieur qui
contraste avec l'austérité de l'extérieur. La sculpture sur bois y est d'une
très grande qualité. L'intérieur de la chapelle du couvent des Ursulines, à
Québec, aménagé par Noël et Pierre-Noël Levasseur (de 1714 à 1759) témoigne
encore aujourd'hui de la qualité de cette ornementation. A compter de 1750, l'établissement au
pays d'une nouvelle société brit., en grande partie anglicane, amène d'importants
changements architecturaux. Ainsi assiste-t-on dans différentes régions de l'E.
du pays à la construction d'églises suivant un style populaire en Angl. depuis
le début du XVIIIe s., et étroitement associé à
l'Église anglicane: le style palladien. Dans les centres urbains et les régions
où la concentration des communautés anglicanes le permet, surgissent quelques
grandes églises érigées selon les préceptes de ce style qui prône la symétrie,
l'ordre et l'emploi d'un vocabulaire classique sobre. L'église St. Paul de
Halifax (1750) est la première église anglicane érigée au Canada. Elle
s'inspire du modèle de la chapelle Marylebone
(1721-1722), à Londres, dessinée par l'architecte palladien James Gibbs. La
présence de nouveaux bâtiments de ce style, de même que l'arrivée d'une main
d'œuvre originaire de l'Angleterre ou des É.-U. favorisent
la diffusion du style palladien et de ses variantes, surtout au Québec et dans
les provinces de l'Atlantique. Ainsi en N.-É. et au
N.-B., de nombreuses petites églises en bois, de différentes confessions,
reprennent quelques-uns des motifs du nouveau style, notamment le large fronton
qui orne la façade, la fenêtre vénitienne de l'abside, les ouvertures à tête
cintrée et l'ornementation classique autour de la porte centrale. Les
immigrants d'origine LOYALISTE arrivés au pays à la fin du XVIIIe s.
introduisent dans les prov. de l'Atlantique un
nouveau genre d'églises, surtout utilisé par les Congrégationalistes: la meeting house. Avant tout un lieu de rencontre, ce
bâtiment de bois est marqué de la plus grande simplicité extérieure et
intérieure. Son architecture rappelle beaucoup celle d'une maison. La meeting house de Barrington (1765), en N.-É., en est un
exemple.
Le dix-neuvième siècle
Au
Québec, ce n'est pas avant les années 1820 que le style palladien affecte
vraiment l'architecture religieuse traditionnelle. Même à ce moment, c'est au
niveau de l'ornementation extérieure que s'exerce le plus gros de son
influence. Au début du XIXe s., sous l'impulsion de l'abbé Conefroy,
on délaisse les trois plans qui jusque-là avaient été privilégiés (récollet,
jésuite et Maillou) en
faveur d'un plan en forme de croix latine rappelant celui favorisé par les
Jésuites au XVIIe s. C'est l'architecte François BAILLAIRGÉ qui parvient à
intégrer le mieux l'aspect décoratif de la nouvelle mode architecturale
palladienne aux églises du Qc. De son côté, en rédigeant son Précis
d'architecture (1828), l'abbé Jérôme DEMERS joue lui aussi un rôle déterminant
auprès de toute une génération de constructeurs, en favorisant la diffusion
d'idées nouvelles, dont certaines proviennent des styles palladien et
néoclassique. À compter des années 1820 et jusque dans les années 1860, l'intérêt pour
l'architecture classique se modifie: jusque-là dirigé vers la Renaissance, il
se porte désormais vers l'Antiquité. Certains motifs de la façade des églises
(colonnes, pilastres et entablement) prennent alors une plus-grande importance.
Au Québec en particulier, cette étape du néoclassicisme s'exprime au cours des
années 1830-1840 dans les travaux de l'architecte Thomas Baillairgé, qui
construit des églises dont la façade est encadrée de deux tours. L'influence
néo-classique se manifeste par une préférence pour des motifs provenant de
l'architecture grecque au détriment des détails romains. Dans certains cas,
l'apport de l'architecture grecque s'exprime simplement par des détails
décoratifs apposés à la façade de l'église. En d'autres occasions, l'église est
conçue sur le modèle d'un temple grec, comme en témoigne l'église St. Andrews
(1831) à Niagaraon- the-Lake. La construction de
l'église NOTRE-DAME à Montréal (1823-1829) marque un important moment de
l'histoire architecturale canadienne. En effet, pendant près de cent ans, le
style néo-gothique sera étroitement associé a
l'architecture religieuse de toutes les régions canadiennes et de presque
toutes les confessions. Ce nouveau style prendra du temps à s'implanter puisque
surtout dans les régions de l'E., il cohabitera avec une tradition d'origine
classique déjà bien établie. Ce style se propage véritablement à partir des
années 1840, au moment où se manifeste une tendance vers le réalisme et
l'authenticité archéologique, qui convient tout particulièrement à
l'architecture religieuse. La Cambridge Camden Society
formée de théologiens anglais qui, à compter de 1839, favorisent un
renouvellement de l'architecture religieuse, encourage alors les constructeurs
d'églises anglicanes à retourner au plan des églises médiévales catholiques,
caractérisé par une nef flanquée de bas-côtes,
surmontée de galeries et orientée vers le chœur. Le chœur devient dès lors un
élément déterminant du plan; chaque composante du plan intérieur (nef, choeur, bas-côtés, porche) est désormais exprimée à
l'extérieur du bâtiment. Les cathédrales St. James (1849-1853) de Toronto, CHRIST
CHURCH (1846-1853) de Fredericton et St. John The Baptist
(1848-1880) de St. John's, T.-N. Représentent cette volonté de copier des
modèles médiévaux. Au Québec, cependant, où la tradition classique est déjà
étroitement associée à l'architecture catholique, l'implantation du style
néo-gothique ne se fait pas aussi facilement que dans les autres régions. Ainsi
en réaction à la construction de la cathédrale anglicane Christ Church
(1857-1859) de Montréal, un édifice néo-gothique conçu selon les préceptes de la Cambridge Camden Society,
Mgr Ignace BOURGET fait ériger la cathédrale
Saint-Jacques (1875-1885) sur le modèle de Saint-Pierre de
Rome. Mgr Bourget, qui entendait ainsi dissocier la foi catholique du style
néogothique, ouvre la vole à un engouement pour l'architecture néo-baroque qui se manifeste en cette région du pays au
cours des années 1870-1880. Lorsque le style néo-gothique évolue vers
l'expression d'effets visuels et pittoresques, c'est en Ont. Qu’il s'exprime
avec le plus d'éclat, grâce au travail de l'architecte Henry Langley qui, pendant plus de quarante ans, construira des
églises anglicanes, méthodistes, baptistes et catholiques. Au moment où, dans
l'E. du pays, cet aspect du style néo-gothique
commence à disparaître, il se développe dans l'O.: la cathédrale St. Paul
(1895) de Regina, en Sask., témoigne de l'influence
de ce courant par sa tour latérale, sa large toiture et ses proportions
massives, alors que la cathédrale St. John The Divine (1912) à Victoria,
Colombie-Britannique, en exprime certains traits par sa verticalité et son
ornementation. Parallèlement à la construction de ces grands bâtiments, sont
aussi érigées de petites églises qui privilégient certains des aspects
particulièrement marquants du style néogothique. Ainsi des églises de l'E. du pays reproduisent en bois quelques-uns des détails
néo-gothiques les plus frappants: c'est ce qui a été appelé le Carpenter's Gothic. L'église
anglicane St. Johns (vers 1840) de Lunenburg, N.-É. et l'église Unie (vers 1870) de MALPÈQUE î.-P.-É.,
témoignent de cette mode. En Ont., un groupe de petites églises utilise des
briques de couleur contrastante pour accentuer le pittoresque de certains
détails néo-gothiques, notamment autour des fenêtres. L'église Unie de Crown
Hill (vers 1880), en Ont., illustre cette tendance. Toujours en Ont., de même
qu'au Man. et en Sask.,
d'autres petites églises d'une facture très sobre ne retiennent du courant
néo-gothique que les fenêtres en ogive et la tour centrale apposée à la façade. On en
voit des exemples à l'église anglicane St. Clement
(1860-1861) à Selkirk, Man. et à l'église anglicane
St. James (vers 1909) à Star City, Sask. Enfin, à
l'extrémité O. du pays, de nombreuses églises en bois arborent de manière
pittoresque certains détails néo-gothiques. Ainsi, l'église de mission Holy Cross (vers 1905) située à Skookumchuk,
en C.-B., se distingue par une façade marquée de nombreux détails
néo-gothiques, alors que celle de Fort Good Hope (1864-1882), dans les T. du
N.-O., oppose à un extérieur assez conventionnel une décoration intérieure
d'une grande richesse. Par ailleurs, au cours des années 1880-1890, certains
architectes délaissent le néogothique pour une nouvelle mode architecturale qui
est alors populaire aux É.-U. Ces architectes construisent de grandes églises
dont la maçonnerie rustiquée, la monumentalité et les ouvertures larges et
arrondies expriment l'influence néo romane. L'église Metropolitan
United Church (1890-1891) à Victoria, en C-B., en est un exemple. À ce moment
également, suivant une mode qui affecte tout particulièrement les églises
méthodistes et presbytériennes, plusieurs églises adoptent un plan en
auditorium. En général au cours du XIXe s., les
églises catholiques et protestantes adoptent une disposition rectangulaire où
l'autel occupe une position centrale dans le sanctuaire. Le décor intérieur des
églises anglicanes est habituellement plus sobre que celui des églises
catholiques. Les églises méthodistes et presbytériennes sont également très
dépouillées mais la chaire y occupe une place centrale. Enfin, d'autres
congrégations religieuses, les congrégationalistes, les unitariens, les
adventistes ou les baptistes, ont également des lieux de rencontre d'une grande
simplicité. Dans le dernier quart du XIXe siècle, plusieurs groupes
d'immigrants venus de Scandinavie et de Russie peuplent les régions de
l'Ontario et y amènent leurs traditions architecturales. C'est ainsi que les
immigrants d'origine ukrainienne, établis au Manitoba et en Saskatchewan,
construisent des églises dont l'architecture rappelle celle des églises
byzantines: le plan cruciforme, les clochers en forme de bulbe et
l'ornementation intérieure colorée sont les motifs les plus caractéristiques.
Le début du vingtième siècle
Au
début du XXe siècle, sous l'influence de l'enseignement prodigué par l'École
des Beaux-arts de Paris, se développe une attitude nouvelle qui marquera
profondément l'architecture une partie de ce siècle. Contrairement à ce qui
s'est produit tout au long du XIXe siècle, les architectes accordent désormais
moins d'importance à l'expression du pittoresque, aux styles historiques et aux
détails stylistiques pour privilégier la disposition et la composition de
l'édifice, l'expression de sa monumentalité et l'organisation de son plan. Le
plan des églises, conçu d'après un système d'axes, devient très rigoureux; la
nef en particulier prend une importance nouvelle au sein de ce plan. Sous
l'influence des principes de composition Beaux-arts, on bâtit aussi bien des
églises de style néogothique, que classique, baroque ou roman: ainsi la
cathédrale catholique de Saint-Boniface (1908), au Man., développe la tendance
romanesque alors que celle de Gravelbourg (1919), en
Saskatchewan, traduit l'influence néobaroque. Cependant, sur le plan
architectural, l'influence Beaux-arts annonce la fin d'une époque au cours de
laquelle les architectes se tournaient volontiers vers le passé pour y trouver
leur inspiration et des modèles. À cause de leurs dimensions et aussi de leur
importance symbolique pour chaque communauté, les églises du XIXe s. et du
début du XXe s. comptent encore aujourd'hui parmi les bâtiments qui illustrent
le mieux l'apport de ces grands courants architecturaux.
NATHALIE
CLERK
Édifices religieux modernes
Par
leur nombre, les églises et les temples érigés depuis la Deuxième Guerre
mondiale occupent une place considérable dans l'ensemble de l'architecture
religieuse au Canada. Dans les régions urbaines, où la croissance démographique
est la plus forte, on bâtit plus d'églises que durant toutes les époques
antérieures réunies. Surtout construites dans les banlieues, les églises
nouvelles reflètent le caractère de ce milieu où la densité de la population
est faible et l'échelle des édifices volontairement restreinte. Le nombre des
paroissiens est souvent réduit et le budget limité. Parce que la plupart des
paroissiens doivent se rendre à l'église en automobile, le terrain de
stationnement devient une nécessité. À ces contraintes matérielles qui
réduisent l'importance de l'église dans le paysage urbain et laissent une image
ambiguë de ce type d'édifice, s'ajoute un problème plus fondamental encore,
soit celui de la redéfinition de l'édifice pour le culte. Architectes et
clients sont conscients de la nécessité de renouveler l'architecture
religieuse, mais les solutions à adopter sont loin de ressortir clairement.
Cette incertitude est d'ailleurs accrue par l'interrogation sur la place de la
religion dans le monde moderne. Suite à des débats houleux tenus en Europe
entre les deux guerres, des colloques sur la construction des églises sont
organisés dans diverses villes canadiennes (Toronto, 1956, 1961 et Vancouver,
1960). L'église est-elle davantage maison de Dieu que maison des hommes?
Doit-elle se présenter comme un abri qui protège ceux qui s'y réunissent pour
prier et entendre la parole de Dieu? Est-elle un refuge pour le recueillement
ou doit-elle plutôt s'ouvrir sur le monde extérieur pour faire davantage partie
de la vie quotidienne? L'aménagement intérieur est aussi soumis à une
redéfinition des fonctions liturgiques. L'emplacement du baptistère, de l'autel
et des autres lieux liturgiques dépend du symbolisme dont on les revêt. Bien
que la construction des églises (dont certaines sont aussi des centres
communautaires) témoigne de l'évolution de la liturgie et de la conception
religieuse, beaucoup d'églises revêtent peu d'intérêt pour leurs qualités
architecturales et depuis 1970 très peu d'églises sont construites. Pendant que
les théologiens cherchent à définir la nature et le rôle de l'église, les architectes,
de leur côté, tentent d'en renouveler le langage formel et de convaincre leurs
clients de la nécessité de ce changement. Jusqu'à la veille de la guerre, il va
de soi qu'une église se construit dans l'un ou l'autre des styles historiques,
généralement le néogothique au Canada anglais et un des styles classiques au
Québec. Au milieu des années 30 cependant, des formes nouvelles commencent à
voir le jour en architecture religieuse comme en architecture civile. L'église
anglicane St. James (1935) de Vancouver, de l'architecte londonien Adrian G.
Scott, paraît marquer le départ du mouvement moderne sur la côte du Pacifique.
Le plan en croix grecque et les voûtes en berceau de cette église en béton
donnent à l'intérieur des airs de l'architecture byzantine, mais l'extrême
dépouillement accentue la géométrie des formes. À l'extérieur, les ressauts
rectilignes du portail et les grandes surfaces nues des masses géométriques
recouvertes de stuc témoignent de l'influence de l'architecture
fonctionnaliste, tandis que les formes prismatiques des parties hautes ont le
caractère de l'art déco. Scott est assisté des architectes locaux Sharp et
Thompson qui, dans les même années, bâtissent la Crown United Church
également à Vancouver. Les fenêtres étroites couronnées par des arcs en mitre,
comme à l'église St. James, sont un compromis entre l'arc brisé de
l'architecture gothique et le géométrisme du style international. La masse
cubique et son revêtement en stuc témoignent encore plus de l'enracinement du
style moderne en Colombie-Britannique. À la même époque, l'architecture
religieuse québécoise subit l'influence de Dom Paul Bellot, un bénédictin
français venu au Canada pour la première fois en 1934. Il revient en 1936 pour
construire la coupole et finir l'intérieur de l'oratoire Saint-Joseph à
Montréal, une église monumentale commencée pendant la Première Guerre
dans la tradition académique. S'inspirant de l'architecture médiévale, Dom
Bellot avait conçu pour le béton armé un système structural fait d'arcs
polygonaux et d'arcs paraboliques pour la brique. Dès
1935-1936, on voit s'élever un exemple de chacun de ces deux types : en béton,
l'église Saint-Jacques de Montréal (Gaston Gagnier)
et en brique, l'église Sainte-Thérèse-de-Lisieux à BEAUPORT (Adrien Dufresne).
C'est le début d'un courant qui durera une vingtaine d'années et qui va donner
au Québec un style distinctif, bien que d'un modernisme modéré, d'architecture
religieuse.
Après 1950
Après
1950, la différence entre les églises du Québec et celles du reste du pays
commence à s'estomper. On distingue alors deux styles principaux. D'abord, les
églises à toit horizontal ou à pentes très faibles, comme la petite église
anglicane St. Cuthbert's à Montréal (1946-1947), de
l'architecte Fred Lasserre. Les églises de la seconde catégorie ont les pentes
du toit fortement accusées, ce qui maintient les murs gouttereaux à une faible
hauteur. Plusieurs de ces dernières ont comme charpente des arches en bois
lamellé. Aussi bien dans les églises de la première que dans celles de la
deuxième catégorie, la structure détermine à la fois la forme extérieure et
l'espace intérieur. Ce rationalisme, particulièrement froid dans les églises de
la première catégorie, est alors critiqué pour son inaptitude à inspirer aux
fidèles un sentiment d'élévation. Un moyen retenu pour résoudre ce problème
consiste à donner un profil excurvé aux pentes de la
toiture afin de renforcer l'effet d'ascension, comme à la Westminster Presbyterian Church (Salter et Allison)
de Barrie, Ontario. Une autre solution consiste à percer une ouverture au faîte
de la toiture, parfois sur toute sa longueur comme à la West Ellesmere United
Church (Eberhard ZEIDLER) de Scarborough, afin d'éclairer l'intérieur d'une
lumière zénithale. Certaines églises, telles Saint-Raphaël de Jonquière
(Saint-Gelais et Tremblay) et Notre-Dame-des-Champs à Repentigny (D'Astous et Pothier), combinent les pentes excurvées et l'éclairage zénithal. Au début des années 60,
il devient de plus en plus courant dans les églises catholiques de remplacer le
plan longitudinal par un plan centré. La résolution du concile Vatican II de
favoriser la participation des fidèles à la célébration de la messe va
généraliser l'adoption de ce plan qui garantit une relation intime entre
l'assemblée et l'autel. Ces églises, dont plusieurs sont les plus expressives
de toute l'architecture religieuse d'après-guerre, sont en général basses et
ont le choeur et la nef couverts d'une seule et même
toiture afin de souligner l'union de ces deux espaces. Ce toit s'élève depuis des
murs bas pour atteindre son sommet au-dessus de l'autel. On en trouve des
exemples dans toutes les régions du pays, comme Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle
à Montréal (Lemay et Leclerc), St. John Brébeuf à Winnipeg (Libling,
Michener and Associates), Précieux-Sang à
Saint-Boniface, Manitoba (GABOURY, Lussier et Sigurdson) et St. Mary's à Red Deer, Alberta (Douglas CARDINAL).
Depuis les années 80, le plan centré fait le plus souvent place à la forme plus
simple et posée du rectangle où l'autel occupe le milieu d'un des longs côtés.
Des formes plus traditionnelles remplacent aussi les lignes dynamiques qui
procuraient un effet expressionniste aux églises des deux décennies
précédentes. Il arrive même de suggérer, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur,
les trois nefs parallèles des églises traditionnelles, même si l'intérieur ne
forme qu'un seul et même espace. Un bel exemple de ce parti est l'église Divine
Infant à Orléans, Ontario (Murray and Murray,
Griffiths
and Rankin Architects). Dès
les années 60, quelques architectes entreprennent de renouveler le style des
églises de rite oriental, tout en cherchant à respecter certaines traditions
architecturales de ces églises. Radoslav Zuk fait figure de pionnier avec ses églises ukrainiennes
comme Holy Family à Winnipeg
et St. Michael's à Tyndall, Manitoba. Les coupoles,
qui donnent aux églises traditionnelles leur silhouette caractéristique, sont
rappelées dans des formes géométriques gracieuses qui respectent également les
propriétés du bois ou du béton, matériaux avec lesquels elles sont construites.
Un autre exemple est la cathédrale grecque orthodoxe de Montréal (AFFLECK, Desbarats, DIMAKOPOULOS, LEBENSOLD, Sise), qui s'inscrit
dans la tradition byzantine avec sa coupole en béton posée sur une nef de plan
carré. Plus récemment, des édifices religieux pour le culte islamique ajoutent
une note de couleur au paysage canadien. La Jamatkhana
(Mosquée de Khan) de Burnaby, Colombie-Britannique (Bruno Freschi),
rassemble les dômes et les formes octogonales traditionnellement associées à
cette architecture. Étant donné que les églises postérieures à la Deuxième Guerre
mondiale sont de dimensions relativement petites et que, depuis les années 70,
la construction de nouvelles églises se fait plutôt rare, on peut s'étonner que
deux des églises les plus vastes de la deuxième moitié du XXe siècle soient des
réalisations récentes. Il s'agit dans les deux cas d'églises pour des abbayes
bénédictines : Westminster Abbey à Mission,
Colombie-Britannique. (Asbjorn Gathe),
et SAINT-BENOÎT-DU-LAC au Québec (Dan S. HANGANU), la première, du début des
années 80 et la seconde, du début des années 90. En employant respectivement le
béton et l'acier, les architectes tentent d'y reproduire le mouvement vertical
et l'effet squelettique qui caractérisent les monumentales églises abbatiales
du Moyen Âge.
Bibliographie Claude
Bergeron, L'Architecture des églises du Québec, 1940-1985 (1987) ; N.
Tardif-Painchaud, Dom Bellot et l'architecture
religieuse au Québec (1978).
Auteur
CLAUDE BERGERON