Notre-Dame-des-Victoires
à
I – GUIDE
A.
VISITE DE L’EXTÉRIEUR (fig. 1)
Partant de la façade, contourner l’édifice par
1.
La façade
La première façade de Notre-Dame-des-Victoires
(1689) était formée d’une cloison temporaire, fermant la nef non encore
achevée. Ce n’est qu’après l’acquisition de deux terrains appartenant à des
particuliers que les architectes purent avancer les murs de la nef vers
Ce n’est qu’en 1723 que la première façade
définitive fut construite. Assez simple, cette façade due à l’architecte Jean Maillou comportait néanmoins des
éléments décoratifs intéressants : portail orné, niches et oculus (fig. 3).
Après
(Voir
pages 11 à 13)
4.
La sacristie
Construite en 1733 d’après les plans de Jean Maillou, cette sacristie
s’élevait sur le terrain vendu à la fabrique en 1700 par François Allaire. Elle
n’occupait pas tout le terrain, un couloir ayant été aménagé entre l’édifice et
La sacristie fut reconstruite en 1762 par
Jean Baillairgé à ses frais, à la condition qu’il pût en occuper la cave et le
rez-de-chaussée pendant une période de 5 ans.
L’édifice actuel date de 1873 et il est
l’œuvre de Louis Amiot, architecte de Québec.
(Voir
page 17)
CHAPITRE 3
L’œuvre de Jean Maillou
en 1723
Ce n’est qu’en 1723 que
Notre-Dame-des-Victoires sera complétée. En effet, le 19 mars, un marché est
conclu avec Jean Maillou,
architecte et maître-maçon (1), pour
la construction du portail (2).
L’architecte complète la nef dont il porte la longueur à
L’année suivante, soit en 1724, le sieur
Gratis, maître-maçon, reçoit des paiements pour la construction de
Ce programme s’acheva en 1733 par la
construction de la sacristie sur le terrain acquis de François Allaire en 1700,
à l’angle des rues Sous-le-Fort et Saint-Geneviève. On avait bien déjà érigé
une petite sacristie derrière le chevet en 1707 pour permettre d’utiliser la
porte placée à cet endroit (5). D’une
part, la porte donnait dans la maison d’un particulier à l’arrière, où une
cloison de planches délimitait un couloir vers la petite sacristie, et d’autre
par, une seconde porte donnait immédiatement dans le petit bâtiment surélevé,
dont la cave fut cédée en location.
La façade de Jean Maillou et
La façade avancée de quelque
Le plus grand intérêt de la façade de
Jean Maillou est sa
simplicité. En effet, après l’effort de construction qui, sous l’impulsion
d’architectes de formation européenne avait doté la ville de ses monuments les
plus prestigieux : le palais épiscopal, le château Saint-Louis et le
palais de l’intendant, les maîtres-d’œuvres de la
génération suivante, pour la plupart formés en Nouvelle-France, réduiront
sensiblement l’envergure des projets. Si bien que naîtront des œuvres plus
simples, certes, mais qui pourront être parachevées. Ainsi, au lieu de
l’hypothétique façade assez fouillée de Claude Baillif, Jean Maillou conçoit une façade
simple et retient les éléments à la fois les plus significatifs et les moins
difficiles d’exécution : niches et encadrements du portail. En fait, il
s’agit de l’adaptation au contexte local d’une architecture européenne,
académique par surcroît, dont l’entreprise n’avait pas réussi à dépasser les
projets et dont la mise en chantier s’était révélée fort peu praticable. Que
l’on songe à l’épopée de Notre-Dame, de 1684 à 1697, où seule une partie de la
façade monumentale proposée par Baillif fut construite, et l’on comprendra
aisément pourquoi l’on opta pour l’exploitation rationnelle de formules plus
simples (7). Il
reste néanmoins que la façade de Notre-Dame-des-Victoires est, de façon
générale, mieux pourvue que celle d’édifices contemporains. Il suffit de la
comparer à celle de Saint-François de l’île d’Orléans (photo
33), réalisée peu après, pour se rendre compte de l’importance que l’on
attachait à l’église succursale de la basse ville. Si le pignon élevé de
Notre-Dame-des-Victoires trahit la manière de Baillif, le portail orné, absent
ailleurs, est l’œuvre de Maillou.
Les niches en façade, déjà présentes dans l’avant-projet de Baillif pour
Notre-Dame, sont reprises ici, comme partout ailleurs dans l’architecture
religieuse avant
Assez curieusement, Jean Maillou qui, par ailleurs,
favorisait l’implantation de clochers en façade, notamment sur le célèbre
« plan Maillou »
et dans les édifices dont il construisit la rallonge, ne semble pas avoir
appliqué ses vues à l’église de
L’ensemble des documents figurés et les
sources mentionnées nous permettent de présenter une reconstitution de ce que
fut Notre-Dame-des-Victoires de 1724 à 1759. La vue en perspective permet mieux
que toute description ou présentation de plans de considérer l’édifice dans son
ensemble (fig. 11).
La façade a donc été achevée alors que
l’architecture de Québec en était à son troisième stade de développement. Après
l’architecture sommaire du comptoir commercial (1608-1663) et l’architecture
monumentale classique (1663-1700), on arrive, après 1700, à une architecture
proprement québécoise, résultat d’un cheminement long et non sans heurts. Alors
qu’on achève l’église de
(Voir
pages 51 à 55)
CHAPITRE 6
Reconstruction de 1816 :
François Baillairgé, architecte et Pierre Séguin, sculpteur
En 1816, cédant aux nombreuses pressions
des paroissiens, les marguillers décident d’entreprendre des travaux à
Notre-Dame-des-Victoires. Le programme des réfections qui s’articule assez mal
au départ prend cependant une telle ampleur que l’ensemble de l’église se
transforme rapidement en chantier. Les services de l’architecte François
Baillairgé sont tenus et c’est sous la surveillance de celui-ci que les travaux
s’engagent (1).
En premier lieu, on abaisse la pente du
toit en ouvrant l’angle du pignon. Les murs latéraux sont quelque peu grugés,
le pignon est maçonné à nouveau dans sa partie supérieure et toute la charpente
refaite. La façade ainsi abaissée s’orne d’un œil-de-bœuf supplémentaire, en
remplacement de la niche du pignon. Les niches latérales du portail sont
percées pour faire place à des fenêtres, augmentant d’autant l’éclairage
intérieur. Finalement, le portail lui-même est reconstruit autour de la porte
principale agrandie. Pour compléter la nouvelle façade, le clocher est déplacé
de la croisée à la façade (fig. 4).
Dans
la muraille longeant
Quelles étaient donc les vues de François
Baillairgé en remodelant ainsi la façade de Notre-Dame-des-Victoires? Deux
exemples de travaux du même architecte, et à peu près contemporains, peuvent
nous éclairer : les façades de Saint-Roch et de Notre-Dame de Québec.
L’église de Saint-Roch fut construite en
1811 d’après les plans de François Baillairgé et les devis de l’abbé Conefroy. Incendié en 1817, l’édifice est reconstruit
aussitôt selon les mêmes plans. Une gravure (photo
37), extraite de Picture of
Québec de George Bourne (3),
nous le montre en 1829.
L’église de Saint-Roch présente, en gros,
une ordonnance semblable à celle de Notre-Dame-des-Victoires, après son
remaniement par François Baillairgé en 1816. Exception faite des dimensions,
l’église de Saint-Roch étant plus large, on y retrouve en effet plusieurs
éléments de l’église de la Basse-Ville : angle du pignon, oculus et
fenêtres cintrées de part et d’autre du portail à la sculpture recherchée. Les
dimensions de Saint-Roch avaient cependant forcé l’architecte à y placer deux
portails latéraux en façade, ce qui n’était pas possible à
Notre-Dame-des-Victoires.
Le deuxième exemple s’apparente davantage
encore à l’église de
Tout comme à
En fait, les modifications apportées à
Notre-Dame-des-Victoires, tout comme celles que subit la cathédrale, témoignent
d’un goût nouveau auquel l’architecte tente d’accommoder les édifices anciens.
On y décèle l’influence des premiers édifices construits selon les règles de
l’architecture classique anglaise. C’est ainsi que la cathédrale anglicane de
Québec, construite de 1799 à 1804, possédait un fronton triangulaire en façade,
à l’arrière duquel se prolongeait
François Baillairgé conçut donc une
architecture nouvelle, inspirée par l’académisme anglais, sans doute, mais
néanmoins adaptée au milieu, tout comme Jean Maillou l’avait fait quelque cent ans auparavant.
L’aquarelle de James Pattison Cockburn représentant Notre-Dame-des-Victoires est, sans
contredit, le document le plus intéressant pour l’étude de cette façade
reconstruite en 1816 (photo 39).
En plus des détails d’architecture signalés plus haut, la polychromie du dessin
nous renseigne sur l’aspect réel de l’église, place du marché. Elle est
entièrement crépie et, chose remarquable, les pierres de taille entourant
fenêtres et portail sont peintes de couleur brune. Cet usage n’était cependant
pas nouveau. Alors que Notre-Dame-des-Victoires et à la cathédrale, au XIXe
siècle, cette couleur permettait de mettre en évidence les ouvertures, sous le
Régime français elle pouvait simuler, dans quelques cas, la présence de pierres
de taille là où il n’y en avait pas.
Les travaux ne se bornèrent pas au seul
aspect extérieur. En effet, le 31 octobre 1816, les marguillers passent un
marché avec le sculpteur Pierre Séguin pour la confection d’une voûte et d’une
corniche pour l’église de
Le travail de sculpture de Pierre Séguin a disparu
lors des travaux ultérieurs, notamment ceux de 1854. La voûte de l’église
Saint-Augustin (photo 40),
exécutée par Pierre Séguin et Olivier Dugal, peut
cependant nous donner une idée assez juste de ce que devait être ce décor
sculpté. Particulières aux sculpteurs de l’école Quévillon,
les voûtes compartimentées de carrés ou de losanges sont surtout des œuvres de
sculpture. Elles seront systématiquement supplantées par des voûtes suggérant
une architecture véritable, qu’elles soient de bois ou de plâtre, par les
Baillairgé, sous l’impulsion de l’abbé Jérôme Demers, théoricien et adepte
d’une architecture néo-classique (7).
Assez curieusement, les travaux de décoration
intérieure semblent s’arrêter après la construction de
(Voir
les pages 67 à 69)
Si la restauration de l’église telle qu’il exista sous le
Régime français semble possible pour l’extérieur, encore qu’il s’agisse d’une
entreprise d’envergure, le décor intérieur ne pourrait jamais être reconstitué
avec suffisamment de garanties d’authenticité historique. D’autre part, la
reconstruction, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, entraînerait la
disparition de deux œuvres d’architecture d’une incontestable valeur : la
façade de François Baillairgé et l’architecture intérieure de Raphaël Giroux.
Si l’on veut respecter l’ensemble de
l’édifice, il faudrait lui conserver les aspects multiples qui témoignent de la
vie du monument à travers les siècles. La restauration de 1967 n’a certes pas
été heureuse à cet égard. On a déshabillé l’édifice d’un crépi, certes délabré,
mais dont il avait toujours été recouvert : on a supprimé les deux
portions de la corniche qui indiquaient la présence d’un fronton triangulaire,
tout en laissant la même corniche délimiter le pignon. De la même façon on a
installé les vantaux portant de faux motifs en « pointes de
diamants », dans un portail d’esprit néo-classique. Ces modifications
mineures et sans grande importance, si l’on tient compte de leur caractère
temporaire et de l’ensemble de l’édifice, contribuent néanmoins à défigurer
l’œuvre harmonieuse de François Baillairgé de 1816. Elles n’ont de sens que
dans la mesure où l’on viserait à reconstituer l’église de Jean Maillou, encore que ce choix
soit contestable, comme nous l’avons signalé.
Notre-Dame-des-Victoires est certainement
l’un des édifices sur lesquels nous possédons le plus de renseignements, à
toutes les époques. Qu’il nous suffise de faire connaître les différentes
étapes de la construction à l’aide de l’édifice en place et de la documentation
disponible. Privilégier une époque plutôt qu’une autre équivaudrait à détruire
les témoignages d’une évolution architecturale de plus de deux siècles. Si le
rôle de l’historien d’art et d’archéologie est d’étudier et de faire connaitre
et apprécier les œuvres du passé, celui du restaurateur est de les conserver,
non de les détruire.
(Voir pages 78 et 79)